Quelle soirée électorale que celle du 4 septembre! Le Québec élit une première femme comme première ministre. Une tentative d'attentat assombrit cette soirée mémorable. Dans cette foulée, un homme est mort en faisant son travail, dans des circonstances qui méritent qu'on fasse toute la lumière. Tout cela est d'une tristesse inouïe. Ses proches ont donné un émouvant exemple de la capacité des gens de souche ouvrière de faire preuve de dignité et de solidarité humaines devant l'adversité. Chapeau!

Le taux de participation de 74,6% est un signe de santé démocratique à maintenir après l'anémique taux de 57,4% de 2008. Rien ne peut être tenu pour acquis. Autre constat: 69% de la population s'est exprimée, toutes tendances confondues, en faveur du changement. À 0,7% près, la division du vote, couplée à un mode de scrutin infect, ont failli trahir cette indéniable volonté populaire en reportant au pouvoir le PLQ.

En ajoutant l'élection du PQ, il faut prendre la mesure de l'essoufflement structurel de notre mode d'élection plutôt que de continuer à jouer à la roulette russe. Cette question dépasse les partis politiques. Ils doivent déclarer leur intérêt et s'incliner devant le citoyen, première victime d'un système qui déforme ses choix démocratiques fondamentaux. Le devoir de voter n'a de sens que si chaque vote compte.

Mais dans les règles actuelles, le PLQ a été défait et le PQ est élu par une courte victoire. Il n'a pas à se gouverner d'abord en fonction du programme des autres. Tous par ailleurs doivent retenir que la démocratie a parlé et que des compromis s'imposent. La population est en droit de s'attendre à des résultats de tout son Parlement. Honni soit celui qui tenterait de l'en priver!

Bien que la réaction de tous les partis élus soit encourageante, il serait naïf de penser que l'intérêt partisan ne refera pas surface. Pourquoi ne pas profiter des prochains mois pour avancer et innover? Faire de la politique autrement ne se limite pas à réformer le mode de scrutin. On pourrait rapprocher la politique des vraies préoccupations de la population en ouvrant un espace pour la société civile dans la définition et l'élaboration des politiques publiques. Les sujets d'intérêt ne manquent pas.

Quelle politique économique se donner? Comment le faire en visant plus vert, en se montrant plus sensible à l'acceptabilité sociale et pourquoi pas plus ouvert aussi à l'économie sociale? Comment développer la transformation? Il y a là de belles occasions de tendre la main à tous, incluant les autochtones, et de donner la parole aux régions. Mieux encore, on peut trouver là un filon plus porteur pour aborder des thèmes comme la productivité, sans tomber dans les jérémiades des Québécois qui ne travaillent pas assez.

De la même façon, peut-on améliorer la performance de nos services publics en engageant toutes les parties dans l'organisation du travail? Ce n'est pas parce que l'on rejette l'approche du coup de fouet et de la tronçonneuse que l'on se refuse à s'ajuster et à se moderniser. C'est la responsabilité de tous.

Le virage annoncé en santé vers les soins à domicile offre une occasion en or de redéployer nos services. Vieillir dans la dignité pourrait devenir un projet rassembleur qui sort des sentiers battus en imaginant un continuum de services adaptés.

Même raisonnement en éducation. Quelle éducation voulons-nous? Comment déployer nos ressources pour donner un nouveau souffle à la démocratisation, pour n'échapper personne, tout en s'assurant d'une éducation de qualité? Dans un Québec en mal de projets mobilisateurs, faire de l'éducation la vraie priorité nationale devrait être au coeur du forum annoncé. C'est combien plus inspirant que le seul débat des droits de scolarité!

Nous aurions beaucoup à gagner de ce genre d'exercice: meilleur arrimage aux préoccupations citoyennes, engagement réel de toutes les parties prenantes, frein aux velléités trop partisanes et surtout une bouffée d'énergie sans précédent, parce que nous aurions tenté de surmonter nos divisions pour avancer ensemble et faire avancer le Québec.