Ces derniers temps, Lucien Bouchard multiplie les interventions publiques afin de conseiller les jeunes qui voudraient se lancer en politique. Malheureusement, je crains fort que l'appel ne retentisse que très faiblement dans mes oreilles et celles des jeunes.

J'ai 31 ans et aussi loin que je me souvienne, la gestion et la politique m'ont passionné. J'ai la chance d'appartenir à une famille nombreuse composée de gens de tous les horizons et de toutes les couleurs politiques. L'honnêteté, le travail bien fait et l'éthique sont des valeurs solidement ancrées dans notre famille.

Le débat politique, toujours respectueux, fait partie de ma vie depuis toujours. J'ai eu la chance de faire des études universitaires en administration (de droite) et en anthropologie (plus à gauche). Très jeune, j'ai eu l'occasion de gérer du personnel, des budgets, des infrastructures et des imprévus! Je suis quelqu'un foncièrement au centre de l'échiquier.

Alors, au fil des ans, on m'a très souvent dit que je devrais me lancer en politique. Ma réponse, à mon grand regret, est «jamais!».

Tout d'abord, il y a les sacrifices financiers et familiaux. Je gagne sensiblement le même salaire qu'un député, tout en ayant un cadre de travail idéal pour la vie familiale. Cela dit, on ne fait pas de la politique pour l'argent et la quiétude. Je serais prêt à faire ces sacrifices. Par contre, à cela s'ajoute le climat de suspicion généralisé envers les politiciens. La constante (et démesurée) chasse aux apparences de conflits d'intérêts fait que je devrais me départir de tout investissement et m'éloigner de mes amis qui travaillent dans des domaines reliés aux activités gouvernementales.

Le Québec n'est pas si grand, il est donc normal d'avoir bâti des amitiés ou des relations avec des gens de sphères diverses. Il est tout aussi souhaitable qu'un futur gestionnaire de l'État possède des expériences personnelles en affaires.

Le politicien doit composer avec les incohérences de notre société: c'est ici que l'on perd de fantastiques futurs talents politiques.

Ainsi, nous exigeons de nos politiciens toujours plus de projets mobilisateurs, de changements. Toutefois, dès qu'un projet voit le jour, une armée de gens s'élève contre celui-ci, et il est souvent enterré avant même que le débat puisse avoir lieu.

Les exemples de contradictions pleuvent. Nous sommes pour l'énergie verte, mais nous ne voulons pas d'éoliennes dans notre secteur, nous ne devons pas toucher aux rivières et il ne faut surtout pas de lignes de transmissions dans notre champ de vision. Nous exigeons un meilleur service de transports en commun, accessible, mais il ne faut pas qu'un autobus passe sur notre rue. Le financement des universités doit augmenter, mais les usagers ne doivent pas contribuer. Il ne faut pas intégrer le privé en santé, mais on consacre 1000$ par année pour soigner pitou ou minou.

Bref, la population entretient des attentes démesurées ou contradictoires envers ses dirigeants: ceux-ci sont donc condamnés à l'échec.

Pourtant, des hommes et des femmes bravent tout cela et se lancent corps et âme dans l'arène, avec, pour la très grande majorité d'entre eux, la volonté ferme d'améliorer les choses. Dans le passé, nous avons eu la chance d'être dirigés par de grands politiciens qui ont fait avancer la société: Mulroney, Chrétien, Martin, Lévesque, Bouchard, Landry, Bourassa...  Pourtant, le traitement fait à ces personnes par la population et les médias a souvent été injuste et ignoble.

Après réflexion, avant même d'entrer en politique, je ne vois pas comment penser en sortir un jour autrement qu'usé, déçu et amer. Cela est dramatique puisqu'à force de discréditer nos politiciens, nous finirons par avoir des gens qui seront précisément ce que l'on dit d'eux actuellement.