Les médicaments sont la pierre angulaire de notre système de santé. Les coûts restent par contre difficiles à assumer pour beaucoup de Québécois. La CAQ propose dans son programme des mesures qui nuiront sérieusement à l'accessibilité aux médicaments.

Le programme prévoit en effet de forcer les patients à prendre pour trois mois de médicaments à usage chronique dans le but de couper les honoraires des pharmaciens. Cette mesure risque non seulement de réduire les services pharmaceutiques auxquels les Québécois ont accès, mais en plus d'y ajouter un prix. Après le rattrapage des dernières années, la CAQ veut ramener la pharmacie québécoise 10 ans en arrière.

En forçant le service aux trois mois, la CAQ fera payer de 150 $ à 240 $ en un seul coup à beaucoup de patients québécois. Cette mesure, en plus d'entraîner des gaspillages substantiels, sera un ticket modérateur inacceptable qui empêchera les moins bien nantis d'avoir un accès juste et équitable aux médicaments.

Cette mesure, qui a pour but initial de réduire les honoraires des pharmaciens, risque plutôt de faire en sorte que des services seront facturés directement aux clients, réduisant en double la capacité de recevoir des services de première ligne présentement offerts gratuitement. Ceci sans compter que pour les pharmacies, elle entraînera des réductions d'heures d'ouverture et de personnel disponible.

M. Legault comprend visiblement très mal le domaine de la pharmacie lorsqu'il compare les honoraires des pharmaciens ontariens et québécois. En effet, les pharmaciens ontariens reçoivent, en plus de leur honoraire, un profit  avoisinant 8% du prix coûtant des médicaments. Les pharmaciens québécois, eux, ne font aucun profit supplémentaire lorsqu'ils réclament au gouvernement. Avec le projet de loi 41, qui permettra aux pharmaciens d'offrir de nouveaux services et de désengorger en partie le système de santé, il serait logique d'investir dans le réseau des pharmacies. C'est la politique privilégiée par la presque totalité des autres provinces canadiennes.

En tuant dans l'oeuf la capacité des pharmaciens à offrir ces services, c'est à tout le système de santé que M. Legault va nuire, notamment en retournant les patients faire la file dans les cabinets de médecins. Bien sûr, puisque le principal conseiller de la CAQ en matière de santé est aussi impliqué dans le réseau de cliniques privées. Ce n'est peut-être pas un hasard...

Nous croyons que les pharmaciens font davantage partie de la solution que du problème en matière de réduction des coûts des médicaments.  Plusieurs mesures peuvent être mises en place pour réduire la facture des médicaments et seraient à privilégier au lieu du choc brutal de la réduction des honoraires des pharmaciens et des pertes d'emplois qu'elle entraînera.

Parmi les mesures qui pourraient être adoptées, notons la  révision de la règle des 15 ans, des politiques d'utilisation accrue des médicaments génériques et le pouvoir de substitution thérapeutique qui est accordée aux pharmaciens dans plusieurs provinces canadiennes.  

De façon plus globale, avec l'augmentation de l'espérance de vie, le vieillissement de la population, l'augmentation du coût des technologies médicales, la population québécoise ne peut se donner le luxe de se priver d'une main d'oeuvre qualifiée qui a toutes les compétences pour réduire la pression sur les soins de première ligne à un coût très compétitif.  Au jeu des comparaisons, d'autres provinces canadiennes l'ont très bien compris, et nous croyons que le Québec devrait suivre cette voie.

Contrairement à certains groupes d'intérêts, la population québécoise n'a aucun avantage à se priver de la porte d'entrée supplémentaire, que sont les pharmaciens, aux soins de première ligne.