Dans son autobiographie, le cycliste professionnel écossais David Millar raconte avoir essayé de résister au dopage, mais qu'à la fin, il avait cédé à son entourage et consenti à « bien se préparer » (c'est-à-dire se doper). Après avoir purgé sa suspension, il est revenu sur le circuit professionnel et est aujourd'hui un important promoteur de la lutte contre le dopage sportif, tout en poursuivant sa carrière de cycliste.

La semaine dernière, le cycliste américain Lance Armstrong a décidé de ne pas contester la série d'accusations de dopage formulées par l'agence antidopage américaine (USADA), reconnaissant ainsi sa culpabilité sur tous les chefs retenus contre lui. En parallèle, Armstrong est un important acteur caritatif, dans la lutte contre le cancer, duquel il est lui-même en rémission. Il est maintenant impératif qu'il fasse preuve d'humilité et de transparence.

Depuis la création de l'Agence mondiale antidopage (AMA) en 1999, le système sportif international adhère à un appareil quasi judiciaire complexe mais performant, rapide, indépendant et crédible. Hormis la plupart des ligues sportives professionnelles qui refusent de s'y soumettre, cet appareil exige une collaboration de tous les instants avec les pouvoirs publics, les fédérations sportives internationales, les ministères des Sports et autres agences antidopage afin de tester la propreté des athlètes performant sur la scène internationale.

Puisque les pays possédant une législation pénale nationale contre le dopage sportif sont peu nombreux, la communauté sportive internationale a adopté les principes de l'arbitrage privé pour accuser les sportifs fautifs et entendre leur défense. La décision rendue par le tribunal arbitral national peut ensuite faire l'objet d'un contrôle quasi judiciaire ultime par le Tribunal arbitral du sport situé en Suisse, pour détermination finale. La communauté sportive internationale est unanime pour reconnaître l'impartialité et l'efficacité de ce système.

Lance Armstrong faisait face à une série d'accusations de dopage formulées par l'USADA. Il avait le droit de les contester devant un tribunal arbitral américain, qui aurait été composé de trois arbitres indépendants. La décision aurait été rendue au terme d'un procès à huis clos, et plusieurs athlètes et intervenants avaient annoncé être prêts à témoigner avoir vu Armstrong se doper. La décision motivée du tribunal, qui aurait repris les témoignages importants, aurait été rendue publique.

Aux États-Unis, les athlètes se rappellent vivement que l'olympienne Marion Jones avait été condamnée à six mois de prison pour avoir menti sous serment, donc on pouvait s'attendre à ce que ces témoignages aient été empreints de franchise et d'honnêteté.

En refusant de contester les accusations, Lance Armstrong évite ainsi ces témoignages et les détails qui l'auraient éclaboussé dans la décision du tribunal. Il reconnaît donc sa culpabilité sur tous les chefs, nonobstant le « spin » qu'il tente de donner en soutenant qu'il avait simplement le goût de tourner la page.

La rédemption de l'athlète

Il existe plusieurs exemples d'athlètes dopés qui racontent publiquement leur histoire (Geneviève Jeanson, Richard Virenque, David Millar, Floyd Landis, Dave Morissette). Cette soif de rédemption s'inscrit dans une facette de la psychologie humaine qui, à travers l'aveu, permet au fautif de se décharger d'un lourd fardeau mensonger, et d'aider son prochain à ne pas répéter les mêmes erreurs. Ce n'est pas un hasard si plusieurs religions ont formalisé ce processus, notamment avec le confessionnal pour les catholiques, institutionnalisant ainsi les vertus thérapeutiques de la vérité.

Une condamnation de dopage sportif ne signifie pas la fin d'une vie, mais plutôt le début d'une nouvelle, prometteuse de vérité. Après tout, il n'y a pas eu mort d'homme. Les admirateurs du héros sportif méritent une franchise de tous les instants quand le héros est en ascension, mais aussi quand il chute. Car le héros n'est pas plus surhumain que chacun de ses admirateurs; il vit des victoires et des défaites, sauf que les siennes sont projetées sur écran géant, que tous regardent et jugent en temps réel.

Armstrong est un philanthrope accompli; il prête sa notoriété, son temps et sa discipline d'athlète à la lutte contre le cancer. Il doit continuer et même amplifier ces efforts, car nous avons tous intérêt à ce qu'il maintienne son rôle de héros auprès de la population.

Or, bien qu'Armstrong ait célébré moult victoires, il vit maintenant une chute. Il doit apprendre une nouvelle qualité, celle de l'humilité, et reconnaître que le refus de contester les actes d'accusation équivaut à une reconnaissance de dopage. Il doit agir avec honnêteté et transparence, comme son collègue David Millar l'a fait. Chacun de ses partisans ne mérite pas moins du sportif et philanthrope.

*L'auteur a présidé plusieurs tribunaux d'arbitrage en matière de dopage sportif, dont celui qui a mené à la suspension du cycliste Floyd Landis en 2007.