En tant que citoyen québécois, montréalais et consommateur, je suis choqué de constater combien se multiplient au fil des ans les difficultés à obtenir dans ma vie quotidienne des services en français adéquats de la part d'entreprises privées faisant affaires au Québec, en dérogation flagrante de la Charte de la langue française et dans l'irrespect de la clientèle.

À l'automne 2011, il m'a été impossible de rejoindre par téléphone un représentant francophone du service à la clientèle de Timex Canada sur sa ligne « 1-800 », l'option du service en français menant systématiquement à un répondeur, contrairement au service en anglais. La correspondance écrite était dans un français bourré de fautes et souvent incompréhensible.

À l'occasion d'une réparation effectuée par Apple Canada au début de 2012, les services en français se sont avérés inadéquats à plusieurs égards. Les bordereaux de livraison, y compris les instructions à l'intention du client, étaient uniquement en anglais. On ma fait attendre au téléphone pendant près de 30 minutes, après que j'aie refusé de discuter avec un technicien unilingue anglais. Le courriel me permettant de vérifier l'état de ma livraison menait à un site en anglais, tandis que le reçu de paiement pour la réparation était presque exclusivement en anglais, y compris la description des travaux effectués.

En février 2012, un livreur d'UPS Canada se présentant à mon domicile était incapable de s'exprimer en français, ne serait-ce que pour me saluer, et ne comprenait même pas la question « avez-vous besoin d'une signature? » !

Quelques constats s'imposent :

1. Les entreprises délinquantes ne sont pas des PME « qui ont d'autres priorités » ou, pour reprendre un cliché, des dépanneurs tenus par des Québécois d'origine asiatique. Nous avons plutôt affaires ici à des multinationales implantées depuis longtemps au Québec, qui ont les moyens d'assurer la qualité du service à la clientèle mais qui se cantonnent à une attitude de négligence ou d'indifférence.

2. Il ne s'agit pas de situations circonstancielles, puisque celles-ci tendent à se produire à répétition. En 2010, je recevais dans un Apple Store un devis de réparation en anglais seulement, faute de l'avoir exigé en français. Cette pratique est toujours en vigueur aujourd'hui.

3. Formuler une plainte pour des services en français déficients peut s'avérer un parcours du combattant, soit parce que le formulaire de plainte en ligne ne permet pas de sélectionner un problème relatif à la langue de service (Apple Canada), soit parce qu'on n'obtient carrément pour aucune réponse (UPS Canada). Et la plupart du temps, lorsqu'on parvient à discuter avec un représentant, personne ne semble  trouver la situation problématique.

4. Paradoxalement, les rares explications évoquées pour justifier des services en français inadéquats relèvent de l'utilisation de technologies de l'information ou encore de méthodes de gestion supposément destinées à améliorer le service à la clientèle : « Notre gestion des communications est centralisée et notre siège social est situé aux États-Unis, il n'est pas facile de faire modifier une numéro de téléphone dans notre site web » (sic); « Notre logiciel de facturation émet par défaut des états de compte en anglais, il faut choisir l'option en français à chaque fois» (re-sic).

Il semble hélas que les plaintes systématiques, tant auprès des entreprises délinquantes que de l'Office québécois de la langue française, soient la seule option qui reste au citoyen et consommateur qui n'a pas envie d'abdiquer ses droits, et ce, sans garantie de succès. Comme me l'expliquait candidement (mais combien honnêtement) un représentant d'Apple Canada, « si la compagnie ne reçoit pas beaucoup de plaintes comme la vôtre, il est peu probable que les choses changent ».