Les barbares sont aux portes du village gaulois Québec inc. et le ministre québécois des Finances, Raymond Bachand, se porte à sa défense en annonçant que l'investissement de 1,7 milliard de Lowe's pour acquérir Rona n'est pas dans «notre intérêt stratégique».

Comme l'économiste Mike Moffat le soulignait dans le quotidien torontois Globe and Mail, craint-on de voir diminuer notre réserve nationale de marteaux? De se faire voler nos recettes secrètes d'engrais à gazon? Non. Notre «gouvernemaman» craint pour les fournisseurs qu'il croit nécessaire de materner parce qu'ils seraient incapables de saisir l'opportunité de vendre leurs produits dans le réseau des 1700 succursales du géant américain!

Ces fabulations protectionnistes ne sont pas fondées. Une étude exhaustive du Conference Board démontre que l'impact opérationnel de telles acquisitions est plutôt positif. Les entreprises acquises bénéficient de moins de dédoublement, de plus d'investissements et de l'expertise et du savoir-faire étrangers, accroissant ainsi l'emploi canadien.

Ces conclusions se confirment dans la réalité québécoise. Par exemple, Alcan est devenue le nouveau leader mondial de l'aluminium, titre dont elle ne pourrait pas se réclamer si la Caisse en avait empêché l'acquisition par Rio Tinto. Les ventes de Van Houtte sont en hausse de 25% depuis son acquisition par l'américaine Green Mountain, propulsées par les ambitions que lui a insufflées sa nouvelle entreprise mère.

Michel Nadeau monte aux barricades avec le ministre. Rappelons que cet ancien numéro 2 de la Caisse a été le maître d'oeuvre du mégaplacement de cette dernière dans Québecor Média pour 3,2 milliards, un désastre monumental qui n'a toujours pas rapporté un sou de dividende 12 ans plus tard et a perdu presque 1 milliard en valeur. «Il ne faut pas laisser tomber ce fleuron de l'économie canadienne. (...) Elle donne beaucoup de contrats à des bureaux d'avocats et de comptables ici», dit-il. Cet apologiste du modèle québécois en est rendu à proposer d'utiliser nos taxes pour sauver des emplois d'avocats!

Et Rona, un «fleuron» ? Laissez-moi rire! C'est plutôt un cancre boursier avec des revenus stagnants depuis cinq ans, mais des résultats qui, de 190 M de profits, ont viré au rouge avec une perte de 86,4 M en 2011, entraînant une chute de 50% du cours de l'action depuis 2007. Il est plutôt temps d'accueillir de vrais experts qui redresseront l'entreprise au bénéfice des employés et des fournisseurs.

M. Bachand veut se servir d'Investissement Québec, au besoin, pour contrer une nouvelle offre de Lowe's. Ce réflexe interventionniste pourrait nuire à nos vrais fleurons québécois. Si les investisseurs croient que ce dirigisme xénophobe peut les empêcher de récolter de juteuses primes lors d'une prise de contrôle, ils risquent d'appliquer un «escompte Québec» au cours des actions de ces entreprises, augmentant ainsi leur coût en capital et leurs possibilités d'expansion.

Enfin, cet étatisme chauvin fera sans doute caqueter de joie François Legault, lui qui souhaite jouer au Monopoly en détournant des fonds de notre bas de laine québécois pour «sauver des fleurons québécois» comme Domtar, Abitibi et Alcan... Rappelons que Domtar serait probablement disparue si la Caisse avait bloqué sa fusion avec l'américaine Weyerhaeuser et que l'investissement proposé par M. Legault dans Abitibi et Alcan se serait avéré désastreux: la première a fait faillite et la valeur de la seconde a plongé de plus de 25 milliards à la suite de l'effondrement du prix de l'aluminium.

Une petite suggestion de carrière à M. Legault: de grâce, ne devenez pas conseiller en placement si vous perdez vos élections!