La phrase rédigée sur Twitter par François Legault lui a valu un tollé de protestations ainsi qu'une étiquette de sexiste qui lui collera sans doute à la peau. Or, cette phrase dénudée cache, à mon sens, une réalité complexe qui vaut la peine d'être explorée.

«Les filles attachent moins d'importance au salaire que les garçons», voilà ce qu'a lancé le chef de la CAQ dans un échange avec Vincent Marissal. Évidemment, si l'on se bute au manque de nuances et à l'absence de profondeur typique des 140 caractères qu'exige la twittosphère, on peut, à juste titre, évoquer un paternalisme ou un sexisme latent dans ces propos. D'ailleurs, le fait qu'un sénateur républicain du Wisconsin ait été dans l'eau chaude pour avoir prononcé une phrase identique n'aide en rien la cause de M. Legault.

Cependant, la controverse rappelle que la moindre évocation d'une différence hommes-femmes touche à un tabou qui force l'omerta et le conformisme. Or, en ma qualité de femme et de surcroît de féministe, je ne suis nullement choquée par cette phrase qui, bien que malhabile (Twitter oblige), révèle une vérité secouant le statu quo et provoquant un débat nécessaire.

Comme l'a précisé l'équipe de la CAQ plus tard en journée, la science, et la psychologie en particulier, cumule des résultats suggérant la véracité de ce simple constat. Je salue d'ailleurs qu'on ait cité la brillante chercheuse montréalaise Susan Pinker qui, dans son ouvrage The Sexual Paradox: Men, Women and the Real Gender Gap, s'évertue à expliquer l'écart important subsistant entre les hommes et les femmes sur le plan du salaire. Pour ce faire, elle évoque à maintes reprises l'intérêt moindre des femmes pour la composante purement salariale de leur emploi.

Si la science et sa vérité relative ne suffisent pas à convaincre du bien-fondé de cette affirmation, le débat qui a cours dans les pages Débats de La Presse depuis quelques jours au sujet de la difficile conciliation travail-famille devrait y parvenir. En effet, l'article d'Anne-Marie Slaughter dans The Atlantic, qui est à l'origine de ce débat, brise le mythe selon lequel les femmes peuvent «tout avoir». Bien que les pères semblent de plus en plus concernés par une conciliation tenant de l'équilibrisme, très rares sont les débats masculins semblables à celui-là.

Au final, la controverse soulevée par cette phrase de M. Legault révèle la tare que notre société traîne depuis des décennies. On a voulu établir un modèle unique et androcentriste comme seul «bon» choix. Un modèle dans lequel les parents d'une fille seront fiers de la voir terminer ses études en génie informatique alors que les parents d'un garçon rechigneront à le voir poursuivre des études en soins infirmiers ou en enseignement primaire. Bref, c'est la dévalorisation, autant sociale que salariale, de ce qui est typiquement «féminin» et des métiers que l'on perçoit comme tels qu'il faut regretter. En ce sens, et au-delà de toute allégeance politique, il faut donc reconnaître que la proposition de bonifier substantiellement le salaire des enseignant (e) s est fort bienvenue d'un point de vue féministe, et donc ultimement, loin d'être sexiste.