Avec mon regard de maman qui travaille, j'ai lu avec intérêt l'article de Nathalie Collard, «Les femmes peuvent-elles tout avoir?», publié dans La Presse du 30 juin. Les personnes interviewées évoquent le grand principe de l'équilibre travail-famille en évitant certaines constatations très terre-à-terre, comme c'est souvent le cas lorsque ce sujet est abordé.

J'ai pour ma part eu envie d'examiner la question d'un oeil objectif, les pieds solidement ancrés sur le plancher des vaches, les mains farfouillant dans mon agenda de la semaine entre la garderie, les camps de jours, le rendez-vous chez le dentiste et les trois soirs de soccer.

Premier constat: que l'on soit homme ou femme, riche ou pauvre, de nature ambitieuse ou contemplative, carriériste ou adepte de simplicité volontaire, nous bénéficions tous de 24 heures dans une journée et il nous appartient de décider à qui et à quoi chacune de ces heures sera consacrée. Les accorderons-nous à notre travail, nos amours, nos enfants, nos amis, nos loisirs? À ce chapitre, nous sommes maîtres chez nous.

Deuxième constat: la journée typique des enfants qui fréquentent la garderie ou l'école primaire débute vers 8h pour se terminer à 18h s'ils fréquentent le service de garde. Ces rejetons devront donc être récupérés et les parents devront s'accorder un temps de déplacement après avoir quitté le bureau. Une fois rentrés, les enfants devront être divertis, nourris, lavés, les devoirs complétés et le lit retrouvé au cours d'une plage horaire d'environ deux heures. À cela s'ajoutent les activités sportives et parascolaires.

Troisième constat: les fonctions inhérentes aux emplois d'envergure, tous domaines confondus, exigent généralement une prestation de travail qui va bien au-delà de l'horaire de nos enfants. Notre présence est requise pour des réunions, des conseils d'administration, des activités de développement des affaires, des cocktails de réseautage, sans compter qu'une fois les enfants couchés, il faut souvent entamer une véritable deuxième journée en se plongeant la tête dans des dossiers.

Heureusement, viennent habituellement avec des postes de haut calibre une rémunération et des avantages financiers substantiels. Conséquemment, quiconque est disposé à abandonner la gestion de certaines tâches familiales trouvera chaussure à son pied moyennant une rétribution financière certaine. On peut confier à des tiers la préparation des repas, la lessive, l'entretien de la maison, le transport des enfants, les devoirs de nos écoliers, les rendez-vous médicaux, les encouragements aux parties de hockey. Bref, tout, ou presque, peut être délégué. Il faut en contrepartie accepter que nous serons passés à côté de certains moments de la vie de nos enfants, des moments qui ne reviendront pas. Cela nous ramène indéniablement au devoir que nous avons de faire des choix qui, espérons-le, nous combleront, tout en acceptant que ces décisions entraînent des conséquences, certaines positives et d'autres négatives, que nous devrons assumer.

Je demeure convaincue que les femmes, et les hommes, qui choisissent des carrières exigeantes en parallèle à leur vie familiale ont autant de chances d'amener à majorité des enfants épanouis que ceux qui préfèrent des emplois plus modestes. Un enfant, témoin du bonheur professionnel de son parent, sera sans doute plus heureux que l'enfant dont le parent ronchonne sans répit tant sa vie lui semble insatisfaisante.

La consolation dans ce difficile exercice de choisir repose dans le fait que rien n'est immuable en cette vie et qu'à défaut de pouvoir réécrire le passé, nous jouirons toujours du privilège de faire des choix différents pour l'avenir.