On a trouvé jeudi matin une femme morte dans son condo de LaSalle; son mari serait le principal suspect. Il est bien sûr trop tôt pour savoir si c'est un cas de violence conjugale qui se serait terminé en meurtre, mais comme ces événements ne sont malheureusement pas rares, on peut légitimement se demander: que se passe-t-il pour qu'une personne en arrive à tuer son conjoint, éventuellement ses enfants et quelquefois se suicide ensuite?

D'abord, comment peut-on distinguer la violence conjugale «habituelle» de celle qui deviendra meurtrière? En fait, ces deux types de violence se distinguent essentiellement par la foi de leur auteur dans la relation. Ainsi l'auteur de la violence conjugale «habituelle» croit aux chances de succès de la relation de couple et il espère, par ce moyen, amener l'autre à modifier son comportement afin de résoudre les problèmes qui le tracassent. Au contraire, l'auteur de la violence meurtrière ne croit plus aux chances de succès du couple et son geste est justement une conséquence de ce constat d'échec.

Cela dit, les échecs de relation de couple étant fréquents et normaux, peut-on reconnaître les personnes susceptibles de réagir par le meurtre? D'après mon expérience, certains types de personnalité et certaines situations sont davantage à surveiller dans ces circonstances.

C'est le cas des grands contrôleurs. Certaines personnes ont une estime de soi particulièrement faible, ce qui génère chez elles une impression de grange vulnérabilité et donc l'appréhension d'une grande souffrance. Les personnes de type obsessif qui vivent cette situation ont tendance à développer un contrôle extrême sur leur environnement et donc sur leur conjoint et, à cause de leur sentiment de grande faiblesse, elles ne peuvent accepter ou même envisager qu'il leur échappe. Elles y perdraient leur garantie de sécurité, leur parade à la souffrance.

D'autres personnes sont tellement maladroites dans leurs relations interpersonnelles et peuvent subir une telle pression de leur entourage pour être ou rester en couple qu'elles ne se voient pas retourner vivre seules. D'autres encore sont tellement égocentriques et imbues d'elles-mêmes qu'elles ne peuvent admettre qu'on les quitte.

Pour les personnes qui ont connu des échecs cuisants en cette matière, des échecs qui les ont longuement déstabilisés, c'est le rejet de trop, celui qu'on ne peut accepter. Il y a aussi ceux qui ne vivent qu'à travers leur conjoint; ils ne peuvent accepter, ou même envisager de le perdre.

Sachant cela, on peut se demander pourquoi les personnes vivant ces situations ne commettent pas toutes l'irréparable. D'après mon expérience clinique, les personnes passent à l'acte lorsqu'elles n'en peuvent plus de vivre un sentiment qui les dépasse, qui les obsède, qui les étouffe. Ce sentiment dévastateur, c'est ou bien un puissant et irrépressible désir de vengeance ou bien, et plus souvent, celui de mettre fin à une grande détresse.

Pour éviter que la violence conjugale ne devienne meurtrière, il faut donc être attentif à la conjugaison de trois éléments: la perte de foi dans le couple, certains types de personnalité, et certaines situations vécues comme intolérables.