Martha Hall Findlay, ex-députée libérale en Ontario et maintenant chercheur à l'Université d'Alberta, vient de tirer la première salve dans le débat d'idées pour la course à la chefferie du Parti libéral fédéral en publiant une étude[1] concluant que le système de gestion de l'offre des produits laitiers et de volaille nuit non seulement aux consommateurs canadiens, et surtout aux plus démunis, mais aussi aux agriculteurs canadiens. Car l'enjeu des discussions sur un partenariat Trans-Pacifique est bien celui-là : pour y participer et avoir accès à de nouveaux marchés d'exportation bénéficiant aux 210 000 éleveurs de boeuf et de porc et producteurs de blé canadiens, il faudra graduellement cesser de protéger les 15 000 fermes laitières et éleveurs de poulet.

Ces conclusions ne sont pas nouvelles. Mais l'aspect novateur de l'analyse de Mme Findlay provient de sa conclusion que même si les conservateurs avaient annoncé la fin de ces béquilles agricoles avant les élections, ils auraient quand même gagné une majorité à la Chambre des communes vu l'influence électorale déclinante des agriculteurs qui profitent du système par rapport à celle des entrepreneurs agricoles qui bénéficieraient d'une libéralisation des marchés.

Le Québec n'est pas de reste pour ce qui est d'acheter le vote agricole. L'assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) a versé 7 milliards de compensations de 1997 à 2009.  Le coût du programme a été en croissance ininterrompue depuis sa création (sauf en 2010) et la part des coûts assumés par le gouvernement du Québec au financement de l'ASRA a explosé depuis lors. D'ailleurs, le gouvernement libéral s'est engagé à verser 630 millions par année à La Financière agricole pour maintenir ouverts les robinets de cet organisme subventionnaire.

Malgré ce que les lobbies voudraient nous laisser croire, l'ASRA n'est pas un programme « d'assurance ». Selon le Ministère, pour plusieurs productions, l'aide offerte est structurelle, autrement dit qu'elle n'est pas liée à une crise conjoncturelle passagère. Et ce sont souvent les gros producteurs qui s'accaparent le plus gros des paiements « d'assurance ». Par exemple, en 2008, la Financière agricole a versé 568 millions aux producteurs de porc, dont 99 millions aux 5 plus gros producteurs!  Les ventes de porc québécois à l'étranger ont rapporté 1,13 milliard en 2011, en hausse de 22,4% par rapport à l'année précédente, mais les producteurs ont quand même reçu 153 millions en « assurance ». Pourquoi les contribuables de classe moyenne devraient-ils subventionner le porc mangé par les Japonais, les Américains et les Russes, les trois principaux marchés d'exportation du porc du Québec?

Après avoir courageusement libéré les agriculteurs du joug de la Commission canadienne du blé, il est temps pour les conservateurs d'enlever les menottes de la grande majorité des agriculteurs et des éleveurs pour qu'ils puissent exporter à travers le monde.  Il s'agirait d'une politique payante, tant au niveau économique qu'électoral. Le gouvernement québécois devrait s'inspirer du leadership de M. Harper pour libérer pareillement nos entrepreneurs agricoles et leur ouvrir plus d'occasions de croissance.

[1] https://policyschool.ucalgary.ca/?q=content/supply-management-problems-politics-and-possibilities