Vivons-nous un moment historique ou répétons-nous les mêmes erreurs que le mouvement étudiant a déjà vécues au cours des 40 dernières années? Ayant participé à la création de l'Association nationale des étudiants du Québec (ANEQ) et du Regroupement des associations universitaires du Québec (RAEU) dans les années 70-80, je me permets une analyse et un regard historique des stratégies et tactiques utilisées par les différentes parties en cause dans le présent conflit étudiant.

À court terme, les gagnants sont les deux protagonistes qui défendent les intérêts les plus opposés, soit le gouvernement du Québec, la CLASSE et son aile radicale, la CLAQUE. Ces deux belligérants n'ont en effet aucun intérêt à ce que le conflit prenne fin. Un exemple? L'adoption de la loi 78 interdisant toute manifestation, qui a eu pour effet de fouetter à la fois l'opinion publique en faveur de la ligne dure du gouvernement libéral et de redynamiser les manifestations dans la rue plutôt que de les résorber.

Curieusement, les deux groupes les plus opposés deviennent des alliés stratégiques dans ce conflit en imposant leur agenda caché, qui est justement de ne pas régler le conflit. Le Parti libéral espére ainsi remonter dans les sondages en vue des prochaines élections et la CLASSE profite du conflit pour se renforcer et marauder les associations membres de la FECQ et de la FEUQ. Celles-ci sont jugées trop modérées dans les négociations avec le gouvernement et la CLASSE désire ne pas répéter le scénario du dernier conflit en 2005, où l'ASSÉ, devenue la CLASSE, avait été écartée de ces négociations. Dans ce cas, peut-on s'étonner que le chaos profite depuis plus de trois mois à la fois au Parti libéral, à la CLASSE et son aile radicale, la CLAQUE?

Les perdants à court terme, sont quant à eux tous ceux qui voulaient un véritable règlement du conflit, soit la FECQ et la FEUQ, ainsi que les principaux partis d'opposition, le Parti québécois et la Coalition avenir Québec. Les sondages le confirment : malgré la loi 78, la durée du conflit, les nombreuses manifestations et le climat de corruption, le Parti libéral a fait une remontée dans l'opinion publique et trône toujours en tête.

D'un point de vue historique, les gains étudiants sont non seulement nuls mais la politique de la terre brûlée renforce le camp opposé dans l'opinion publique, soit le gouvernement et le Parti libéral qui risque d'être réélu grâce à la radicalisation du conflit dominé par la CLASSE, qui elle-même est dominé par la CLAQUE (Convergence des luttes anticapitalistes) qui vient de faire élire l'un de ses membres comme porte-parole de la CLASSE.

À moyen terme, l'aile modérée ou pragmatique du mouvement étudiant devrait élaborer un plan « B » afin de récolter les fruits de sa longue grève. Pour parvenir à gagner l'opinion publique, je suggère à la FECQ et la FEUQ de se dissocier de la CLASSE pour obtenir des gains réels afin de consolider leurs assises et protéger la démocratie étudiante face aux injonctions.

En effet, pourquoi ne pas demander au gouvernement et aux partis politiques d'opposition de reconnaître le droit de grève pour les associations étudiantes en amendant la loi 32 sur l'accréditation et le financement des associations étudiantes et ce, d'ici la fin de la session parlementaire. Cette reconnaissance serait assortie de conditions, comme le vote au scrutin secret, un taux de participation minimal et un délai raisonnable pour la durée d'une grève. En retour, l'aile modérée du mouvement étudiant accepterait une trêve assortie d'un gel temporaire des droits de scolarité jusqu'à la tenue d'un sommet sur l'avenir des universités.

Ce gain historique pour la démocratie étudiante consoliderait le leadership de la FECQ et de la FEUQ face à la CLASSE qui s'y opposerait, car cette amendement mettrait fin à l'anarchie dans les assemblées étudiantes contrôlées par les éléments les plus radicaux comme la CLAQUE qui à l'instar des groupuscules marxistes des années 70-80, ne visent qu'à déstabiliser les institutions démocratiques, dont les associations étudiantes, en créant le chaos, première étape de la révolution marxiste-léniniste.

La peur et les menaces sont l'arme des faibles idéaux politiques. Le Grand Prix du Canada, en annulant sa journée portes ouvertes, vient de donner une plus grande notoriété à la CLASSE et sa CLAQUE qui n'en demandaient pas tant. Fort de ce cadeau politique inespéré, le gouvernement libéral, la CLASSE et la CLAQUE se renforcent dans leur agenda caché, qui est de justifier leurs tactiques d'intimidation, à savoir la loi 78 pour le premier, et le maraudage des deux associations rivales pour les seconds, comme ce fut le cas à mon époque entre l'ANEQ, la FAECQ et le RAEU.

La même situation s'était présenté en 1982-1983 : le projet de loi 32 que j'ai piloté sur l'accréditation et le financement des associations étudiantes, fut adopté malgré l'opposition du Parti libéral et de l'ANEQ, ancêtre de la CLASSE, qui a l'époque était noyautée par des groupuscules dit d'extrême gauche comme la CLAQUE. Curieux n'est-ce pas que les extrêmes fassent des alliances stratégiques pour maintenir le statu quo et le chaos?

Manipulés par des groupuscules, le mouvement étudiant risque de se discréditer encore plus dans l'opinion publique, qui soit dit en passant demeure favorable à une hausse modérée des frais de scolarité, ce qui ne fait pas partie de l'agenda ni du Parti libéral et de leurs alliés tactiques conjoncturels, la CLASSE et sa CLAQUE.