Depuis la victoire de Jonathan Duhamel au Championnat du monde de poker 2010 (WSOP Main Event), on peut se demander quel en a été l'impact, presque deux ans plus tard, sur la pratique du poker au Québec.

Le poker connaissait déjà auparavant une expansion alarmante dans les habitudes de jeu des Québécois, notamment chez les jeunes joueurs. Au début des années 2000, les grands évènements de poker ont fait leur apparition à la télévision et sur l'internet. On a ainsi pu suivre une multitude de millionnaires et d'amateurs en pleine action dans des tournois où un investissement de plusieurs milliers de dollars était nécessaire.

Il est étrange de parler d'investissement, mais le terme est exact. L'image projetée par l'industrie du poker et perçue par la nouvelle génération est celle d'un jeu similaire à la Bourse où chaque investisseur place son argent selon les liquidités anticipées et les probabilités de gain. Des journées, vous perdez, et d'autres, vous gagnez. La valeur de votre portefeuille fluctue comme des montagnes russes. La constance et la bonne gestion sont de rigueur pour atteindre un minimum de rentabilité.

Ce qui semble être un jeu attire les jeunes en tant que profession. Jonathan Duhamel, avec sa victoire du fameux bracelet tant désiré des joueurs de poker, n'a fait que donner en un court laps de temps un aperçu de la situation du poker au Québec. Elle est beaucoup plus alarmante qu'on ose le croire.

Le jeu doit rester un jeu, tel est la ligne directrice de Loto-Québec. Cependant, lorsqu'on voit cette même entreprise encourager la notoriété que se forge la profession de joueur de poker, on peut se demander si elle n'encourage pas le jeu irresponsable. Provoquer indirectement un référendum sur un casino mohawk en bordure de l'autoroute 30 ou simplement affilier des personnalités connues à leurs tournois pousse les gens à toujours dépenser davantage pour s'inscrire. Imaginez quelqu'un qui déborde de son budget, puisqu'il est chose courante de voir un joueur éliminé du tournoi s'aventurer sur les tables à l'argent pour se refaire.

Pas besoin d'être analyste chez Statistique Canada pour réaliser que le poker prend une mauvaise tournure au Québec. Il suffit d'aller faire un tour à Kahnawake pour réaliser le progrès faramineux qu'a fait l'industrie.

Des salles de pokers privés de la sorte ouvrent et ferment comme des restaurants le font sur la rue Saint-Laurent à Montréal. Une clientèle jeune et constamment renouvelée. Les nouveaux joueurs arrivent les poches pleines avec un rêve et des ambitions pour finalement quitter avec la honte de l'échec et une dette démesurée. Des jeunes principalement aux études qui voyaient en le poker une vie facile. Exactement l'image projetée par les hautes sphères de l'industrie.

Des professionnels reconnus comme Daniel Negreanu ou Phil Ivey affirment ouvertement avoir été sans le sou longtemps avant d'atteindre la renommée. Quelle morale en tirent-ils? Leur acharnement et leur maîtrise de soi leur ont permis de franchir les étapes et d'atteindre la richesse, année après année. De jeunes pauvres, ils sont passés à de nobles hommes d'affaires. Rares sont les joueurs professionnels de poker aujourd'hui qui n'ont pas publié un livre ou un site en ligne de poker à leur nom, au même titre qu'Espace jeux de Loto-Québec. Difficile de ne pas envier ces messieurs quand on connaît les milliards engloutis par ces sites chaque année. Une nouvelle forme de dépendance fait surface depuis le début des années 2000.

Lorsqu'on voit au Québec des casinos offrant de toutes nouvelles salles de poker fraîchement aménagées et achalandées 24 heures sur 24, des sites de jeu en ligne facilement accessible pour les mineurs, des bars et restaurants où on tolère des parties dans chaque quartier de Montréal, des réserves indiennes qui multiplient les salles de poker sans intervention de Québec, des salles clandestines contrôlées par le crime organisé, il est difficile de prédire autre chose qu'une débandade encore plus néfaste pour le jeu responsable.