Depuis le début de la grève étudiante, Pauline Marois et ses députés arborent le carré rouge des protestataires. En s'associant avec un mouvement de grève dont la frange radicale donne le ton en utilisant la violence à des fins politiques, l'opposition se tire dans le pied.

Porter l'épinglette rouge ne veut pas dire que les péquistes soient favorables à la casse. Le Parti québécois a dénoncé cette pratique à plusieurs reprises. Sauf que les apparences suggèrent l'inverse, l'amalgame est vite fait et, évidemment, les libéraux ne manquent pas une occasion d'associer Marois à la violence. Mise sur la défensive, la chef du PQ est constamment obligée de se dissocier des vandales au lieu de passer son message.

Ceci amène à une réflexion quant à la position du PQ sur le fond de l'affaire. Que signifie le port du carré rouge par Mme Marois? Logiquement, cela doit vouloir dire que, à l'instar des grévistes, elle s'oppose à la hausse des droits de scolarité. Mais ce n'est pas du tout ce qu'elle dit. Sa position consiste à affirmer qu'une fois élue, elle convoquera les principaux intervenants pour reparler de la question, précisant aussi qu'elle souhaite un moratoire sur les hausses pour 2012. En aucun moment, elle a affirmé qu'elle n'augmenterait pas les droits de scolarité, comme le demandent les modérés, et encore moins d'établir la gratuité scolaire, comme l'exigent les radicaux.

Au contraire, Mme Marois a plutôt indiqué que les solutions qui seront retenues devront tenir compte de la capacité de payer des contribuables, ce qui sous-entend clairement qu'il y aura quand même une hausse sous un éventuel gouvernement péquiste.

Une seule conclusion est ici possible: Mme Marois porte le carré rouge, car elle veut obtenir à la fois le vote des grévistes et celui des quelque 60% de Québécois qui appuient le gouvernement Charest dans ce dossier.

Au cours de la crise qui a secoué son parti, la chef du PQ a démontré qu'elle avait du caractère. Ses partisans l'appellent désormais la dame de béton, pour montrer qu'elle est de la trempe de Margaret Thatcher. Mais ils oublient que la Dame de Fer faisait toujours preuve de conviction, de cohérence et de courage, ce qui lui donnait une supériorité morale sur ses adversaires. Elle détestait par-dessus tout le clientélisme électoral. Malheureusement, Pauline Marois est devenue une experte à ce jeu. On l'a vu dans le dossier du Colisée lorsque, à coup de millions, elle s'est livrée à une surenchère indécente avec Jean Charest pour acheter des votes à Québec. Même chose à la suite du redécoupage de la carte électorale qui a fait perdre un siège à la Gaspésie. Dans l'espoir d'y gagner des appuis, Marois a aussitôt promis la création d'une chambre des régions, comme si le Québec ne croulait pas déjà sous les structures administratives inutiles et coûteuses.

Les électeurs ne sont aucunement dupes de ce genre de manoeuvre. Et quand Mme Marois accuse M. Charest de faire preuve de manipulation et de calcul dans le dossier de la grève étudiante, parions que de nombreux citoyens trouvent qu'elle n'a aucune crédibilité. De la part d'un parti qui défend de grands idéaux comme l'indépendance du Québec et la justice sociale, on s'attend à beaucoup mieux.

Sentant visiblement le tapis lui glisser sous les pieds, Mme Marois en est rendue à souhaiter publiquement que M. Charest règle le dossier de la grève avant les élections, histoire de la délivrer du guêpier dans lequel elle s'est mise. Au lieu d'implorer ainsi son adversaire, elle devrait enlever son carré rouge et dire clairement de combien elle compte augmenter les droits de scolarité.

Sinon, c'est par le carton rouge que les électeurs risquent de lui montrer lors des prochaines élections. Tel un joueur chassé d'un match de soccer par l'arbitre, elle pourrait se voir disqualifiée à jamais du pouvoir qu'elle convoite tant.