Dans une étude récente à la chaire en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke, nous rapportons que les services de garde à contribution réduite ont fait augmenter d'environ 70 000 le nombre de Québécoises ayant un emploi en 2008. Dans son opinion, le professeur Martin Coiteux, de HEC Montréal, affirme que «cette conclusion digne du miracle de la multiplication des pains découle tout simplement d'une méthodologie fautive.»

Selon lui, nous aurions omis de tenir compte que, dans un régime budgétaire équilibré, l'effet net d'une dépense publique sur l'emploi est nul: si l'on veut dépenser un dollar de plus pour une certaine fin, il faut en dépenser un de moins ailleurs. En consacrant annuellement 2 milliards$ aux garderies plutôt qu'en dépensant cette somme autrement, la décision gouvernementale n'entraînerait aucune création nette d'emploi.

Le professeur Coiteux a entièrement raison de juger sévèrement ceux qui utilisent une telle méthodologie. Le problème, c'est que ce n'est pas du tout celle que nous avons employée pour estimer l'impact de la politique de garde québécoise sur l'emploi des mères. Notre chiffre de 70 000 emplois découle directement des travaux de plusieurs chercheurs de l'Université de Toronto, du Massachusetts Institute of Technology, de l'Université de Colombie-Britannique et de l'UQAM qui ont étudié en détail les effets du programme québécois sur la participation des mères au marché du travail.

Ces chercheurs n'ont pas employé la méthodologie fautive à laquelle M. Coiteux fait référence ni fait des observations superficielles sur les tendances globales de l'emploi féminin. Ils ont plutôt exploité l'information de deux enquêtes de Statistique Canada. Étalées de 1994 à 2008, plus de 147 000 observations individuelles leur ont permis de comparer finement l'activité des mères québécoises à celle des autres mères canadiennes, de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique.

Les chercheurs ont estimé l'effet propre du programme québécois sur la propension des mères à travailler en l'isolant de celui d'un grand nombre d'autres facteurs qui ont aussi agi sur l'emploi des femmes, comme la reprise économique, les autres modifications aux programmes sociaux, le lieu de résidence, l'âge, le niveau d'éducation, le type de famille, le revenu du conjoint, etc.

L'estimation des 70 000 femmes de plus en emploi au Québec qui en est déduite n'est ni magique ni surprenante. L'économie québécoise a retiré des bénéfices notables de la politique de services de garde à contribution réduite. Cela est tout à fait conforme à la littérature scientifique contemporaine qui reconnaît que le coût de garde peut être un obstacle important pour l'emploi des mères. L'OCDE a elle-même bien noté qu'au Canada, même en tenant compte des déductions fiscales pour frais de garde sans une aide supplémentaire comme celle qu'offre le Québec, travailler est souvent peu intéressant.

Clairement, la politique de garde à contribution réduite procure aux gouvernements un retour fiscal important. En raison de la hausse de l'emploi qu'il engendre, les impôts et les taxes s'en trouvent majorés, et à l'inverse, les prestations gouvernementales, réduites.

Cela dit, si le programme jouit d'une très grande popularité auprès des jeunes familles de toutes les classes de la société, il soulève néanmoins des difficultés. La demande de places est encore loin d'être satisfaite, et plusieurs critiques, souvent pertinentes, lui sont adressées. À notre avis, il faut s'intéresser à ces questions et les recevoir comme autant de défis de croissance à relever.

Si diverses avenues peuvent être empruntées pour conduire le Québec à la prospérité, des services de garde à bas coût en font manifestement partie. Dommage que le professeur Coiteux, un chercheur pourtant rattaché au Centre sur la productivité et la prospérité, ne constate pas qu'une telle politique publique contribue simultanément au développement social et à la prospérité économique du Québec.