Les déclarations du chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, lors de son premier grand rassemblement partisan, laissent croire que les ambitions du nouveau parti politique sont immenses.

Pour bien marquer cette ambition «réformiste», la CAQ utilise la formule, consacrée sous la présidence de Roosevelt, des 100 premiers jours de gouvernance pour réaliser les grandes réformes de l'État: abolir les commissions scolaires linguistiques et les agences de la santé, ouvrir les contrats de travail des enseignants et des omnipraticiens, en plus de les contraindre à des critères de performance.

Certes, la formule des 100 jours permet de frapper l'imaginaire de l'électorat et de confirmer cette idée que la CAQ incarne le changement. Cependant, au-delà des formules préfabriquées, est-il souhaitable et réaliste de procéder à de tels bouleversements aussi rapidement?

Lors de l'entrée en fonction d'un gouvernement, il y a toujours une période durant laquelle la nouvelle équipe jouit d'un état de «grâce». Cette lune de miel, où tout devient possible, permet de procéder à des modifications en profondeur.

Les débuts de la présidence Obama ont été marqués par de grandes réalisations: adoption du plan de sauvetage du système financier et de relance de l'économie américaine, nationalisation partielle du secteur automobile et de Citigroup, redéfinition des engagements en Irak et en Afghanistan.

Il en va de même en France pour le président Sarkozy qui avait fait des réformes de l'État le thème principal de sa campagne aux présidentielles de 2007. Il parlait ouvertement de «mettre en oeuvre la rupture» ou «de conduire le changement», des thèmes qui pourraient aujourd'hui se retrouver facilement dans la bouche de François Legault.

Même si les 100 premiers jours de Nicolas Sarkozy ont été moins efficaces que ceux de Barack Obama, son gouvernement a lui aussi procédé à un «virage» important, qui a culminé avec l'adoption d'un menu législatif «réformiste»: loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, lois sur la réforme des universités et le service minimum dans les transports publics.

S'il semble possible de modifier rapidement l'État, les conséquences de ces changements à moyen terme sont beaucoup plus douloureuses tant sur le plan politique que social. Le président Obama a été sévèrement sanctionné aux élections de mi-mandat en 2010. Depuis, il a dû reculer sur un nombre considérable de dossiers. Ces reculs remettent en question la pérennité des réformes entamées durant les premiers mois de son mandat. En outre, le président a dû composer rapidement avec une société civile réfractaire aux réformes, une popularité en baisse et une montée de la droite radicale.

Même constat pour Nicolas Sarkozy qui, après ses 100 premiers jours, n'a cessé de glisser dans les sondages d'opinion et n'a toujours pas confirmé sa candidature à l'élection de 2012. M. Sarkozy, qui parlait ouvertement de réformer une société qu'il prétendait sclérosée, a dû en bout de piste lui aussi composer avec de grands mouvements de protestations sociales, dont les manifestations de millions de personnes sur la question des retraites.

Ces exemples illustrent clairement les écueils possibles d'un mouvement réformiste qui ne prend ni le temps, ni le recul pour mesurer les impacts d'une rupture radicale qui, même si elle demeure possible, peut s'avérer plus dangereuse que bénéfique.

Est-il souhaitable de voir la société s'enflammer et s'organiser contre un gouvernement, même lorsqu'il est majoritaire?

Dans cette perspective, ne serait-il pas plus profitable pour la CAQ de prendre le temps de bien faire les choses plutôt que de précipiter la mise en oeuvre de son programme dans les 100 premiers jours? Chose certaine, tout laisse croire que François Legault ne reculera devant rien. Reste à voir si les Québécois prendront le risque de le suivre.