Les mesures d'allègement pour les régimes de retraite à prestations déterminées ne sont pas suffisantes.

Le gouvernement du Québec a posé un geste crucial pour la santé financière de plusieurs grandes entreprises québécoises en annonçant ces derniers jours le prolongement pour une période de deux ans de mesures d'allègement temporaires visant à atténuer les effets de la crise financière sur les régimes de retraite à prestations déterminées.

Au coeur de ces mesures - qui avaient été adoptées en janvier 2009 et qui venaient à échéance dans quelques semaines seulement - se trouve la possibilité pour les entreprises d'amortir sur 10 ans, au lieu de cinq, le déficit actuariel de solvabilité de leurs régimes. En d'autres mots, elles peuvent répartir sur une plus longue période le remboursement de l'écart qui existe entre la réserve accumulée dans leur caisse de retraite et ce qu'elles devraient débourser pour honorer leurs obligations envers leurs retraités actuels et futurs si, hypothétiquement, elles devaient terminer leur régime aujourd'hui.

On estime que 90% des régimes à prestations déterminées sont en déficit de solvabilité au Canada. Pour plusieurs entreprises, on parle d'un montant à débourser pour combler ce déficit qui, sans les mesures d'allègement, représenterait annuellement plus de 30% de leur masse salariale ! Cela peut correspondre à des dizaines, voire une centaine de millions de dollars pour ces organisations, somme qu'elles auraient grand intérêt à investir de façon beaucoup plus rentable dans le maintien d'emplois et la croissance de leurs affaires. Il s'agit là d'un problème hallucinant qui, même s'il est temporairement atténué, ne sera pas résolu de façon définitive par les mesures d'allégement.

Pour les entreprises québécoises, qui doivent faire face à une rareté de main-d'oeuvre qualifiée, les régimes à prestations déterminées demeurent un outil puissant afin d'attirer et conserver des ressources humaines de qualité. Mais encore faut-il qu'elles soient en mesure de les offrir dans un contexte économique extrêmement problématique et radicalement différent de celui qui a présidé à leur création. Peut-être encore davantage que pour le secteur privé, toute cette question est aussi d'une importance primordiale pour les régimes de retraite du secteur public - tant aux plans fédéral que provincial et municipal - qui sont frappés de plein fouet par la conjoncture actuelle.

Afin d'assurer la viabilité à long terme de ces régimes, sans pour autant menacer celle des entreprises, nous estimons qu'il est urgent et impératif d'en revoir les règles. Plusieurs avenues devraient être explorées : par exemple, donner un caractère permanent aux mesures temporaires d'allègement pour un retour à la solvabilité sur une période de 10 ans; la possibilité également de revoir le ratio de solvabilité, présentement fixé à 100%, et qui pourrait être sensiblement diminué, comme c'est le cas au Royaume-Uni qui en exige un de 90%; revoir des critères de référence comme les taux sur les obligations qui sont utilisés pour évaluer cette solvabilité ou, encore, adopter des mesures pour décourager les départs hâtifs à la retraite.

Consciente de la nécessité de revoir les règles du jeu, la ministre responsable, Mme Julie Boulet, a demandé à la Régie des rentes du Québec de former un comité d'experts indépendants dont le mandat consistera à effectuer une réflexion sur un système de retraite viable et performant pour l'avenir.

Il s'agit là d'une sage décision. Cependant, comme les régimes de retraite sont financés à 100% par les employeurs et les employés, un comité de travail les représentant devrait aussi être formé. Il serait appelé à analyser, au-delà des considérations techniques, l'impact que tout changement serait susceptible d'avoir sur la viabilité et la croissance des employeurs québécois dans un contexte de pénurie appréhendée de main-d'oeuvre qualifiée, de même que sur la pérennité des régimes de retraite des employés.

Un grand sentiment d'inquiétude et d'urgence anime les entreprises et leurs employés. Les changements nécessaires doivent rapidement être apportés, pour le plus grand bénéfice des entreprises et des bénéficiaires de ces régimes.