L'humanité vient de passer le cap des 7 milliards. Au Québec, l'événement coïncide avec la sortie d'un grand nombre de documentaires, d'entrevues ou d'ouvrages qui ont pour point commun de tracer un portrait particulièrement noir de notre monde, que ce soit au présent ou au futur.

Les cris aux loups viennent de multiples sphères. Les indignés dénoncent la dictature des marchés financiers et le fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres. Des humanistes comme Hubert Reeves ajoutent que la terre est trop petite pour satisfaire cette croissance débridée de la demande de ressources.

C'est le cycle des civilisations, nous dit à mots couvert le film Survivre au progrès de Mathieu Roy. Sans coup de barre révolutionnaire, nous subirons le même sort que Rome ou l'Île de Pâques. C'est l'histoire qui se répète, sauf que l'abime est cette fois-ci fatale. Trou Story de Richard Desjardins nous présente un argument qui à la base est le même: le comportement de l'industrie minière de la période précédant 1940 est abominable, en sous-entendu, c'est une tendance lourde qui n'a pas changé aujourd'hui. Pourquoi un Plan Nord, si nous n'avons rien appris du passé? Comment peut-on faire confiance à ces minières qui ont tant péché?

L'histoire se répète-t-elle, comme le prétendent ces documentaires pamphlétaires? Non, pour prendre une image mathématique, l'histoire traduit un processus d'évolution autorégressif où l'humanité prend acte du passé, quand c'est utile.

Rappeler les erreurs de la deuxième révolution industrielle n'est pas d'un très grand secours pour régler la crise financière actuelle. Le documentaire de Richard Desjardins est intéressant pour décrire ce passé lointain. Mais, s'en servir pour expliquer le présent c'est nier tout progrès social, environnemental, technologique et politique qui a marqué notre époque. Sans contre partie, c'est tout simplement de la désinformation.

Au moment, où Steve Jobs vient d'être consacré comme un génie de sa génération, il est tout aussi futile de penser que la solution pour le mieux-être pour l'humanité, c'est de contrer la croissance, au profit de la simplicité volontaire. La croissance est le carburant de l'humain pour se réadapter à un environnement qui change de plus en plus rapidement. Heureusement, les nouvelles sont plutôt bonnes, car cette croissance s'effectue de plus en plus dans l'économie virtuelle, ce qui est moins pénalisant pour les ressources. Chaque époque fait suite à la précédente avec plus d'imagination.

Le négatif est particulièrement vendeur ces jours-ci au Québec. Depuis quelque temps, il s'est développé chez nous une rage de dent, un processus de négativisme et d'auto-flagellation, une autocritique sans précédent qui dénigre le présent et voit l'avenir comme une impasse. Devant tant d'acharnement à dépeindre le Québec en noir et gris, comment se surprendre que l'on arrive à cette croyance populaire que tout est plus mal ici, que tout est plus corrompu, que nos élus sont incapables de gérer correctement les affaires publiques, que l'environnement est laissé à l'abandon, et j'en passe. Un sondage du magazine L'actualité (15 octobre) montre que les Québécois ne font plus confiance aux industriels, aux ingénieurs, à Hydro-Québec... à personne.

Mais comment penser que le Québec est en panne, comme le suggère le collectif d'auteurs De quoi le Québec a-t-il besoin?, alors que tous les indicateurs globaux nous disent le contraire? L'indignation est saine, en autant qu'elle soit le premier pas vers la réflexion. Le contre a des vertus en autant où on lui permet la réplique avec la même audience et la même diligence. À partir du moment où ce contre devient dogmatique et simpliste, on ne peut pas le considérer comme une plateforme de nouvelles idées.