Le regard que vous posez sur la question «Afficher ou ne pas afficher son homosexualité» est sobre, clair et honnête. Je crois, cependant, que cette problématique est plus complexe et demande d'être nuancée davantage.

J'ai un fils de 28 ans - Simon - qui est un jumeau identique. Simon est homosexuel; son frère Jeremy est hétérosexuel. Le sujet de l'identité et de la préférence sexuelle me tient donc à coeur et me touche intimement. Vivre avec Simon et Jeremy, les élever et les accompagner dans leurs parcours m'a fait grandir. J'ai surtout compris que les critères selon lesquels les humains se décrivent et se définissent sont presque toujours simplistes et trop rigides.

La quête personnelle de Simon a toujours été celle de tous les êtres humains, c'est-à-dire de répondre à la question : «Qui suis-je et quelle est ma place dans l'univers?» Comme vous le présentez si bien, le défi d'y répondre est souvent plus lourd pour les homosexuels (surtout les jeunes), mais le serait-il moins si, dans leur milieu, les homosexuels les plus visibles et les plus connus affichaient publiquement cet aspect de leur identité?

Je suis tentée de répondre oui, parce que je partage votre théorie que «le message subliminal, quand X reste dans le placard, c'est qu'être gai, c'est quelque chose qu'il faut cacher. Quelque chose de honteux.». Logiquement, il faudrait donc cesser de maintenir les nombreux « secrets de Polichinelle » et résister à cette répression dissimulée.

Mais justement, un des aspects du débat qui me dérange le plus, c'est cette façon de dire «les jeunes gais devraient pouvoir vivre dans la sécurité et être acceptés»; «il faut sensibiliser la population à la réalité gaie»;«il faut éduquer la population au fait que l'exclusion, l'intimidation et la discrimination contre les gais est inacceptable». Dans toutes ces affirmations, bien intentionnées, il s'est glissé le message implicite que l'homosexualité est, d'une certaine façon, un phénomène à part de l'état normal des choses.

C'est comme si dans ces phrases, on pouvait substituer «lépreux», «épileptiques» ou «schizophrènes» au mot «gais»: comme si l'homosexualité était une réalité qu'il faille accepter par compassion et par souci de justice sociale.

Cette façon mal orientée d'aborder les questions de l'identité et de la préférence sexuelles a amené Simon à vouloir s'instruire. Il a vite compris que son salut se trouverait dans l'éducation et l'information. Aujourd'hui, il est à quelques mois d'obtenir un doctorat en biologie. En janvier, il poursuivra un post doc en France, en écologie/parasitologie/entomologie. Il va consacrer sa vie à chercher à comprendre et à partager ses découvertes sur les relations entre tous les organismes de la Terre. Parmi ses pairs écologistes, la place tout à fait ordinaire et banale de l'homosexualité dans la nature est bien comprise.

C'est dans ce sens que l'acte d'afficher son homosexualité et de «sortir du placard», un geste visant à déstigmatiser une réalité mal comprise, risque, paradoxalement, de perpétuer l'incompréhension et la marginalisation de l'homosexualité.

Mais là ne s'arrêtent pas mes doutes quant à l'efficacité de la stratégie du «outing». Il y a aussi, et peut-être surtout, le fait qu'elle soit réductrice. Nous sommes tous des êtres complexes, multidimensionnels: l'identité est poreuse, changeante et évolutive. Pourquoi se réduire publiquement à une seule dimension de l'être que nous sommes?

Je suis la mère de trois fils; ma belle-soeur est la mère d'une petite fille. Je suis enseignante, elle est radiologiste. Je suis mariée, elle est conjointe de fait. Je suis hétérosexuelle, elle est gaie. Est-ce qu'une seule de ces phrases nous résume? Bien sûr que non.