Depuis plusieurs mois, on entend les ténors de la communauté juridique canadienne, y compris la québécoise, dénoncer à tous vents la réforme conservatrice en matière de criminalité. On s'attarde surtout au fait que les peines minimales vont provoquer une augmentation des coûts de l'incarcération sans nécessairement réhabiliter le délinquant. On avance même le contraire en se basant sur l'expérience américaine que ces mêmes ténors dénoncent avec force de conviction.    

Or, comparer le modèle américain avec le modèle canadien est un exercice risqué et manifestement faux en regard des prémisses même de l'argumentaire.

D'abord, la mission première du modèle américain n'est pas la réhabilitation du délinquant mais la protection immédiate d'une société où le droit de «porter une arme à feu» est un droit constitutionnel, c'est le deuxième amendement de la Constitution des États-Unis. Cette prémisse juridique qui est aussi un impératif politique, n'est pas négociable!

Ensuite, on ne peut imaginer un établissement correctionnel qui soit déficitaire: contrairement au modèle canadien, le budget du service correctionnel ne doit pas être un trou sans fond! Le directeur de la prison («warden») doit faire ses frais, il doit considérer sa population carcérale comme une main-d'oeuvre au service de la communauté. Le directeur offre donc des services à la communauté qu'il facture ensuite, mais sans concurrence déloyale pour le secteur privé. Autrement dit, on cherche à offrir un service quelconque dans un secteur d'activité qui présente peu d'intérêt pour le secteur privé, tels que les chemins secondaires, des travaux d'agriculture ou de rénovation des services publics: la réhabilitation par le travail forcé et non rémunéré y est perçue comme un mode de réparation sociétale et non un traitement cruel et inusité. (Retenons toutefois que le Service correctionnel au Québec offre un service de buanderie institutionnelle mais cela est une exception.)

Le modèle canadien, fondé sur des programmes bidon, s'enfonce au fil des années dans des déficits accumulés, en plus d'entretenir oisive, une population carcérale devenue dysfonctionnelle. Rares sont les directions qui osent mettre à contribution leur population carcérale dans des programmes de formation ou des travaux de grande envergure. Quand voit-on nos détenus travailler sur les chemins du Québec ou sur nos terres agricoles où on manque cruellement de main-d'oeuvre? Le travail réhabilite: c'est le modèle américain.

Que nous annonce ce gouvernement conservateur et majoritaire au chapitre du correctionnel? À ce jour, rien! On nous garantit une surpopulation oisive, un déficit accumulé, de nouvelles constructions ou des rénovations importantes.

À quelques exceptions près, c'est tout le contraire du modèle américain tant pour ses gestionnaires que les détenus. Réformer la procédure et le droit criminel implique nécessairement une réforme du système correctionnel, sinon on tombe dans l'affairisme et l'instrumentalisation des autres.