Cessons de rembourser des médicaments coûteux si des alternatives aussi efficaces sont moins chères.    

En raison d'évaluations économiques défavorables de l'Institut national d'excellence en santé (INESSS), certains traitements anticancéreux ne seront pas remboursés au Québec alors qu'ils le sont dans d'autres provinces.  La capacité de payer du Québec a été mise en cause. Je ne suis pas surpris que nous en soyons venus à ces choix difficiles, car ils résultent de décisions en amont qui auront eu un impact sur nos finances publiques.

Ainsi, l'hypertension est une maladie très fréquente, beaucoup plus que les cancers ciblés par les médicaments dont on limite l'accès. Or, pour traiter l'hypertension, une panoplie de médicaments existe, dont le coût peut varier du simple au quintuple. Souvent utilisés, les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARA) n'ont jamais été démontrés supérieurs par rapport à une autre classe de médicaments très proches mais beaucoup moins chers, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IECA).

Mis à part la Colombie-Britannique qui a mis judicieusement un frein à l'accès aux ARA, les autres provinces, y compris le Québec, ont choisi de rembourser ce type de traitement sans limite. Un accès de type «bar ouvert»: dès qu'une nouvelle molécule de cette classe fait son entrée sur le marché, elle est approuvée et remboursée par le régime public d'assurance médicament.

Si nous avions pratiqué une médecine plus responsable en restreignant l'accès aux ARA, le Québec aurait économisé entre 5 et 21 millions par année, sans aucun impact sur la santé des Québécois.

Il en est vraisemblablement de même pour bien d'autres conditions très fréquentes. Pourquoi rembourser les médicaments antiacides et antidépresseurs les plus coûteux alors que de plus anciens, moins chers, sont tout aussi efficaces?

L'argent dépensé dans un domaine de la santé n'est évidemment plus disponible pour soulager d'autres problèmes. En adoptant une politique très libérale d'accès et de remboursement public aux médicaments les plus prescrits, tout en limitant les médicaments anticancéreux coûteux dont l'alternative n'existe pas, l'INESS s'éloigne de son mandat qui vise l'excellence en santé.

Les choix de société, dans un système de santé universel, visant à maximiser les bénéfices sur la santé publique, devraient être guidés par des objectifs suivant une hiérarchie logique: 1) d'abord, sauver des coûts en utilisant les médicaments les moins chers mais tout aussi efficaces, surtout si ces médicaments sont utilisés par une large part de la population; 2) ne pas restreindre les médicaments qui auront un impact substantiel sur la qualité de vie ou la survie des malades vulnérables en l'absence d'alternative prouvée; et 3) évaluer le rapport coût-efficacité de nos choix thérapeutiques en dehors de ces deux conditions. Ces choix de société nécessitent la mise en place de politiques de santé courageuses, qui ne feront pas l'affaire des grandes compagnies pharmaceutiques installées au Québec. Il faut du courage politique.

Mon père est décédé en février des suites d'un myélome multiple, un terrible cancer qui s'accompagne d'un pronostic souvent de moins de 4-5 ans. Il aura pu recevoir des traitements anticancéreux qui l'ont maintenu en vie deux ans, tout en préservant une très belle qualité de vie. Certains traitements coûtaient jusqu'à 40 000$ par trois mois. L'alternative n'existait pas. Heureusement, mon père a vécu à l'époque où le Québec faisait le choix de ne pas limiter les traitements anticancéreux, quand les alternatives n'existent pas.

Malheureusement, si l'on ne fait rien pour juguler notre utilisation non responsable de médicaments récents coûteux, sans égard aux alternatives aussi efficaces mais moins chères, nous devrons nous résoudre à laisser mourir des gens faute de budget.