Toute la région métropolitaine accueille avec satisfaction (et avec raison) le projet de reconstruction du pont Champlain.

Le président de la Communauté métropolitaine de Montréal et maire de Montréal, M. Gérald Tremblay, s'est empressé quant à lui de saluer le projet de péage qui y est associé, bien davantage que le projet de pont lui-même.  Il s'agit d'une bien étrange réaction puisque ce péage servira à payer la construction et l'entretien du pont en question, alors que pas un seul sou n'ira dans un fonds dédié au transport en commun, Ottawa n'ayant pas juridiction en ce domaine.

Mais de quel péage parle-t-on au juste? Celui du futur pont Champlain servira à payer le pont Champlain, tout comme celui du nouveau pont de l'A-25 entre Laval et Montréal sert à payer ce même pont.  Veut-on imposer un péage sur toutes les infrastructures existantes qui ont comme vocation de franchir le fleuve St-Laurent, la rivière des Prairies, et la rivière des Mille-Îles? On peut aussi poser une question bien précise au maire de Montréal : souhaite-on imposer un péage pour franchir le pont qui relie l'île Bizard à l'île de Montréal?  Et les résidants de l'île-des-Soeurs paieront-ils pour accéder à  Montréal? Au nom de la justice et de l'équité invoquées par certains, ce serait un minimum!

En réalité, le président de la CMM veut du péage. Pourquoi? On l'ignore encore aujourd'hui. Bien sûr, ce serait pour financer les projets de transport en commun, mais quels projets au juste? Le prolongement du métro à Montréal? Le tramway de la rue Ste-Catherine? Celui de l'avenue du Parc?  Ou bien le prolongement du métro à Longueuil ou le bouclage du métro à Laval? Pour financer le Plan de Transport de Montréal? Le train de l'est? Le Plan de développement de la Société de Transport de Montréal? Celui du Réseau de transport de Longueuil? Ou de la Société de transport de Laval? Ceux des 11 Conseils intermunicipaux de transport (CIT) de la région de Montréal?  Peut-être le plan d'investissement de l'Agence métropolitaine de transport (AMT)? Et pourquoi pas les futurs plans de mobilité urbaine du ministère des Transports du Québec?

Avant de parler de péage, il y a un sérieux ménage à faire au niveau de la planification du transport dans la région métropolitaine. Même le projet de Plan métropolitain d'aménagement et de développement (PMAD) de la CMM, que plusieurs portent aux nues à cause de sa préoccupation pour le transport, reste étrangement muet sur l'ordre de priorité en se contentant de dresser une longue liste d'épicerie de projets de transport, comme s'ils pouvaient tous se réaliser en même temps en y consacrant quelques milliards de dollars sortis d'on ne sait où.  Quant on constate qu'un simple projet de voies réservées pour autobus sur le boulevard Pie-IX traîne depuis 10 ans, on peut se questionner sur le sérieux avec lequel on revendique du péage pour financer des projets qui nécessitent un arbitrage entre une foule d'acteurs oeuvrant dans la grande région de Montréal. En d'autres mots, on n'est pas sorti de l'auberge...!

Le ministre des Transports du Québec, M. Pierre Moreau, a bien raison d'émettre de sérieuses réserves sur cette idée de péage, surtout lorsqu'elle provient d'une administration qui semble adhérer à la pensée magique.  Puiser dans la poche des automobilistes (qui sont aussi des contribuables qui paient déjà  leurs taxes et leurs impôts) sans leur offrir d'alternatives n'est rien d'autre qu'une indécente prise d'otages.  Avant de parler de péage, il faut s'entendre, comme communauté métropolitaine,  sur nos objectifs en transport, sur nos priorités, sur les sources de financement, sur le calendrier de réalisation, et sur le partage des coûts. Cela implique, il faut le dire, qu'il y a un sérieux problème de gouvernance à régler pour répondre à toutes ces questions.

Heureusement, le péage sur le Pont Champlain ne sera pas en vigueur avant 10 ans. C'est le temps qu'il aura fallu à la CMM pour accoucher de son plan d'aménagement. C'est peut-être le temps que ça prendra pour s'entendre, collectivement, sur nos priorités en matière de transport, surtout ci c'est l'administration de Montréal qui gère le dossier.