Nous avons appris, à la fin du mois de juin dernier, que près de 900 élèves, qui étaient admissibles au cégep au mois d'août, n'ont pu être admis en raison d'un manque de places dans les collèges de la région de Montréal, un phénomène qui se répète depuis plusieurs années déjà. Il y avait en effet 850 élèves dans cette situation en 2010 et 2000 en 2009.

En dépit des problèmes réels posés par les fluctuations démographiques entre les régions du Québec, nous croyons que la réponse du ministère de l'Éducation à ce problème est trop simpliste et qu'elle souffre d'un manque de vision d'ensemble du réseau collégial. En accordant un financement supplémentaire aux cégeps de la région de Montréal, alors que plusieurs cégeps en région éprouvent des difficultés à maintenir leur offre de formation, le ministère de l'Éducation démontre, d'une part, son incapacité à mettre en place un véritable plan d'action prenant en considération l'ensemble du réseau collégial et occulte, d'autre part, toute la question de l'occupation du territoire et de l'accessibilité à un enseignement supérieur de qualité partout au Québec.

Ainsi, le contexte actuel dans lequel évoluent les cégeps de la grande région de Montréal et la situation précaire des cégeps en région nécessitent des solutions innovatrices et structurantes dont certaines sont connues et promues par les différents acteurs du milieu collégial.

Une brève analyse du cas particulier du campus du cégep de la Gaspésie et des Îles à Gaspé témoigne du peu d'intérêt que porte le ministère au réseau collégial. La baisse démographique, l'exode des jeunes et la baisse des effectifs étudiants à la fin du secondaire ont des conséquences néfastes sur la situation socioéconomique de la ville de Gaspé et sur la fréquentation du campus de Gaspé. En effet, au cours des 20 dernières années, le nombre d'étudiants qui ont fréquenté chaque année le campus de Gaspé est passé de 1200 à 585, soit une diminution de plus de 50 % entre 1991 et 2011. Selon la direction générale de la recherche, des statistiques et de l'information du ministère, ce nombre atteindra le seuil critique de 398 étudiants au cours de l'année scolaire 2015-2016.

Évidemment, cette chute dramatique des effectifs étudiants a aussi un impact majeur sur l'économie de la région et sur celle, plus particulière, de la ville de Gaspé. La suppression des emplois consécutive à cette baisse des effectifs étudiants a entraîné un manque à gagner de plus de 37 millions de dollars pour la ville de Gaspé depuis l'année scolaire 2002-2003!  Malgré une industrie éolienne naissante, si nous ajoutons à ces pertes celles engendrées par le ralentissement de l'activité économique dans les secteurs des pêches, des mines et de la foresterie, force est de constater que nous parlons ici de l'avenir de toute une région.

Seul un plan d'action national, dont le ministère de l'Éducation serait le maître d'oeuvre, peut assurer, selon nous, la pérennité du réseau collégial. La situation particulière du campus de Gaspé ne représente que la pointe de l'iceberg. Toujours selon la direction générale de la recherche, des statistiques et de l'information du ministère, en 2014, les 17 régions du Québec auront un effectif étudiant inférieur à celui observé en 2009. Au pire de la décroissance, en 2019, les régions se situeront entre 57% et 90% de leur effectif de 2009.

Des régions se retrouveront-elles privées d'institutions d'enseignement supérieur au moment où elles en auraient le plus besoin?  Les jeunes Québécois des régions devront-ils s'expatrier pour obtenir le diplôme nécessaire à leur insertion dans le monde du travail?  Quand on sait que le frein le plus important à la fréquentation des études supérieures est l'éloignement de l'institution scolaire, on est en droit de s'inquiéter de l'avenir des jeunes de nos régions.

Certaines mesures, comme l'implantation de programmes exclusifs, la gestion intégrée de la formation professionnelle et de la formation technique dans certains secteurs de formation, l'augmentation du budget d'Emploi-Québec à la formation de la main-d'oeuvre, la valorisation de la formation technique au collégial ou simplement une meilleure diffusion de l'information sur la diversité des programmes d'études offerts dans le réseau, sont autant de solutions qui pourraient assurer l'avenir des cégeps en régions et celui plus particulier du cégep de la Gaspésie et des Îles à Gaspé.

En outre, jumelée à la mise en place d'incitatifs financiers pour les étudiants qui désirent poursuivre leurs études en région - nous pensons, entre autres, à une bonification du programme des prêts et bourses -, une gestion plus cohérente de l'offre et de la demande de formation dans tout le réseau collégial permettrait de régler en bonne partie le manque de places dans les cégeps de la région de Montréal, en redirigeant ces élèves vers les collèges en région qui offrent les mêmes programmes.

Il faut donc que le ministère de l'Éducation cesse de réagir à la pièce à ces problèmes qui affectent le réseau collégial. Seule la mise en place d'un plan d'action national, qui s'appuie sur une vision globale et cohérente de ce réseau d'éducation, permettra de palier au manque de places dans les cégeps de la région de Montréal et de garantir le développement des cégeps en région.