Le député du Parti québécois Bernard Drainville a rendu publiques jeudi dernier 10 propositions visant à «redonner confiance aux citoyens» en appelant à une «réforme de notre démocratie». Il faut saluer ses intentions et son désir de trouver des solutions au cynisme et au désintérêt qui affligent notre vie démocratique. Le constat principal que M. Drainville pose est le bon: il y a bel et bien une rupture du lien de confiance entre le citoyen et le monde politique.

Dans les solutions qu'il avance, il propose entre autres l'instauration d'un processus de référendums d'initiative populaire (avec seulement 15% des électeurs inscrits), d'un jury citoyen chargé d'évaluer le travail des parlementaires et d'une assemblée publique obligatoire dans chacune des circonscriptions. Ses propositions, on l'aura compris, visent à inclure davantage le citoyen dans la prise de décision, ce qui, en soi, est salutaire du point de vue des principes.

Mais, dans leur mise en oeuvre, elles sont aussi pernicieuses. Elles minent le fondement même de notre système politique: la démocratie représentative. Ce que M. Drainville semble en effet affirmer par la bande, c'est que les élus ne sont plus en mesure d'exercer les mandats populaires que nous leur confions. C'est une certaine forme d'abdication des responsabilités fondamentales d'un élu: représenter les citoyens, prendre des décisions en leur nom et en être imputable devant eux. Ainsi, il suffirait qu'environ 600 000 Québécois - le PQ à lui seul compte sûrement plus de 100 000 membres - signent un document pour relancer le Québec dans un mélodrame référendaire sur l'indépendance. Pendant ce temps, l'Assemblée nationale serait reléguée au statut de figurante.

Un autre problème flagrant des pistes de solutions qu'il met de l'avant, c'est qu'elles tentent de résoudre le problème uniquement par la voie des institutions et des règles. Or, le problème actuel a beaucoup plus à voir avec la façon dont se conçoit et se pratique la politique. Comment intéressera-t-on les citoyens à participer à des jurys populaires quand plus de 40% d'entre eux ne daignent même pas exercer leur droit de vote aux quatre ans? On ne rendra pas des députés moins partisans parce que les élections ont lieu à date fixe; de la même façon, les politiciens ne cesseront pas de mentir et de pratiquer la langue de bois parce qu'on les soumet à un jury de citoyens.

Il faudra plutôt des gens qui soient prêts à élever le niveau du débat, à dire ce qu'ils pensent et à démontrer un peu plus d'authenticité. Et il faudra que la politique cesse d'être un jeu partisan à outrance que les médias contribuent à présenter comme un spectacle.

D'autres propositions de M. Drainville sont par ailleurs impraticables. Par exemple, l'élection du premier ministre au suffrage universel n'est pas possible dans le système parlementaire de Westminster. Le premier ministre n'est pas l'équivalent d'un président dans un système présidentiel; il est le chef du parti qui remporte le plus de sièges au Parlement et il doit pouvoir bénéficier de la confiance de la Chambre (ce qui explique la controversée ligne de parti).

Imaginez l'instabilité et le chaos politiques si les Québécois élisaient Amir Khadir premier ministre avec une majorité parlementaire émanant du nouveau parti de François Legault.

Les démocraties parfaites n'existent pas. Il suffit de voir ce qui se passe chez nos voisins du Sud pour s'en rendre compte. M. Drainville a raison de vouloir améliorer la nôtre. Mais la solution n'est pas de déresponsabiliser nos élus.