D'un point de vue éthique, personnel ou simplement citoyen, je ne peux plus fermer les yeux sur la stagnation étatique, érigée en norme, à laquelle nous sommes quotidiennement confrontés.

Par exemple, je reçois cette semaine le bulletin de mon fils qui a terminé sa 6e année. Bons résultats, je regarde les chiffres, tout va bien. Dans ce bulletin, une portion résume les résultats obtenus aux examens du MELS. Maths: 93%. Bravo, je comprends. Puis, je lis sur quoi il a été évalué: «Explicitation des éléments pertinents de la solution». Bravo mon gars, tu as bien «explicitationné» la solution pour laquelle nous avons «concertationné» deux ans autour d'une table!

Toi aussi, quand tu seras grand tu pourras t'asseoir, consulter, émettre des recommandations, inventer des phrases creuses... Le but des maths au primaire n'est-il pas de savoir compter, de réfléchir!

Tout est de plus en plus gris au Québec (santé, éducation, justice...). Pourquoi ne pas payer des impôts pour que les profs enseignent dans de meilleures conditions, pour que les médecins diagnostiquent et soignent en des lieux plus décents que nos urgences dignes (ou indignes) du tiers-monde (Patrick Lagacé en sait quelque chose avec son épisode de pierre au rein), pour que les infirmières, travailleurs sociaux, physiothérapeutes, ergothérapeutes, soient adéquatement rémunérés pour aider au traitement et au regain d'autonomie du patient (que je refuse, contrairement aux gestionnaires, de nommer clients)?

À quand un grand ménage de ces fonctionnaires qui, autosuffisants et pleins de suffisance, n'ont d'autres solutions que des modifications creuses et théoriques de la présentation d'un bulletin scolaire (avec moult explications sur les compétences transversales, verticales ou diagonales) pour contrer le décrochage scolaire, particulièrement chez nos garçons?

Quand allons-nous cesser de gérer la santé en termes de ridicules statistiques comme le nombre d'heures passées sur civière à l'urgence? Tous mes collègues, toutes les infirmières et tous les gens ayant récemment séjourné à l'hôpital via l'urgence savent exactement de quoi je parle.

J'ai l'impression que nous nous laissons, lentement mais sûrement, euthanasier. Mais personne n'est responsable... Le Québec, j'en suis fort triste, s'enlise. Le pont Champlain tombera? Le CHUM sera fini en 2097? Pas grave, personne n'est imputable. Ceux qui nous gouvernent semblent déconnectés, les Québécois votent massivement pour le NPD, car Jack Layton a l'air d'un bon gars (je lui souhaite par ailleurs la force de lutter contre ce satané cancer). Heureusement, puisque les gouvernements ne gouvernent pas, il reste que certains chroniqueurs (Yves Boisvert, Patrick Lagacé, Pierre Foglia, entre autres) tentent que la population ne s'endorme pas trop!

J'ai 45 ans, je pratique la médecine depuis plus de 15 ans et l'apathie collective actuelle m'horripile. Je ne suis pas d'accord avec toutes les idées de François Legault, mais au moins, il est le seul leader (encore virtuel, puisque sans parti officiel) à daigner ouvrir les yeux et proposer des solutions.

Je suis nostalgique des personnages politiques qui ont (que l'on soit d'accord ou non avec leurs idées) façonné ma jeunesse. Des passionnés! Lévesque, Trudeau, Drapeau, Bouchard... Ils avaient des visions (contradictoires, certes) et travaillaient sans compromis pour y arriver, avec conviction (mot démodé) et acharnement. Cela soulevait des débats, des réflexions, des remises en question; en somme le bouillon de culture nécessaire pour qu'une nation progresse. Il y a trop de réussites artistiques, littéraires, cinématographiques, scientifiques, médicales issues d'ici pour que l'on ait honte de ce que l'on est. Que cesse l'éternel débat souverainiste-fédéraliste, que débute la fierté identitaire dans le contexte de mondialisation inévitable.

En bref, je suis fier que mon fils ait eu 93% en maths, mais je suis loin d'être fier de ceux qui tentent de nous faire avaler des mots couleuvres, insipides tels explicitation, concertation... Connaissent-ils le mot «action»?