Une des mesures adoptées par le gouvernement Harper qui suscitent de nombreuses discussions publiques est la réduction du taux d'imposition du revenu des sociétés. Ce taux est passé de 18% à 16,5% le 1er janvier 2011 et il devrait être réduit à 15% le 1er janvier 2012.

Cette mesure fiscale était incluse dans le plan budgétaire 2010 et a été approuvée par le Parlement canadien l'an dernier. Elle faisait aussi partie implicitement du plan budgétaire 2011 et a joué un rôle important dans le rejet de ce plan par les trois partis de l'opposition et le renversement du gouvernement Harper.

Aujourd'hui, cette mesure joue un rôle important dans la campagne électorale. D'un côté, le Parti conservateur annonce qu'un gouvernement Harper maintiendra cette mesure. D'un autre côté, le Parti libéral promet qu'un gouvernement Ignatieff remontra le taux d'imposition à 18% et le maintiendra à ce niveau dans son prochain mandat. Le PLC évalue que cette mesure permettra au gouvernement fédéral d'accroître ses revenus de 5,2 milliards de dollars par année. C'est avec ces revenus additionnels que le PLC compte payer presque l'entièreté de ses promesses électorales qui se chiffreraient, selon son «livre rouge», à 5,6 milliards par année.

Il est intéressant de noter que malgré l'importance de cette mesure fiscale, le gouvernement Harper et le PCC ont été très peu loquaces sur ses effets. Dans le plan budgétaire 2010, on s'est borné à dire qu'elle permettrait d'améliorer la position concurrentielle du Canada et de créer des emplois. Il n'y avait aucune présentation des effets spécifiques de cette mesure sur les revenus du gouvernement ou sur l'emploi.

Dans le plan budgétaire de 2011, il y avait encore moins d'information, comme si on voulait que le public et les analystes oublient qu'elle était là. La raison de ce silence serait que le gouvernement Harper avait déjà été inclus cette mesure dans son plan budgétaire 2010. Elle était en arrière-scène et avait un effet sur les revenus du gouvernement et possiblement sur la croissance du PIB et de l'emploi décrite dans ce plan.

Comme le gouvernement a jugé bon de ne pas présenter les effets de cette importante mesure fiscale sur le PIB, sur l'emploi et surtout sur les revenus du gouvernement pour chacune des cinq années de son plan budgétaire, il est difficile de dire si cette évaluation est trop petite ou trop grande, et différente de celles présentées dans diverses études. De plus, on ne peut pas dire que l'impact sur les revenus du gouvernement est différent en 2011-2012 et 2012-2013 de celui calculé par le Parti libéral.

En somme, le Parti conservateur nous demande de lui faire confiance quand il nous dit que c'est important, mais pour le reste, c'est la boîte noire. C'est un peu comme s'il fallait faire un choix idéologique, sans poser plus de questions. Pourtant, il a à sa disposition des ressources (notamment au ministère des Finances) ayant une grande expertise pour évaluer les effets à court, moyen et long terme de ce type de mesure fiscale sur différentes grandes variables économiques et financières.

Quand on y pense, cette façon de faire a été de nombreuses fois utilisée par le gouvernement Harper. On n'a qu'à penser aux dossiers suivants où l'information donnée par ce gouvernement sur les coûts associés à différents programmes/projets a été absente ou incomplète et trompeuse: le registre des armes à feu, l'achat des F35, l'allongement des peines de prison...

Cette façon de faire est totalement à l'opposé de la présentation dans les plans budgétaires de minuscules programmes ayant des effets d'à peine un ou deux millions de dollars sur les dépenses annuelles du gouvernement.

Ce manque de transparence nuit grandement à la qualité du débat public.