Yvon Vallières vient de démissionner de son poste de président de l'Assemblée nationale au terme d'une semaine marquée par des débats houleux. Appelé à suivre les traces de Michel Bissonnet et de Jean-Pierre Charbonneau, qui se sont illustrés à ce poste, on peut dire qu'Yvon Vallières n'a pas su être à la hauteur de la tâche.

À considérer que son entrée en fonction s'est aussi faite dans la controverse, l'Action démocratique du Québec refusant d'appuyer sa candidature à l'époque -Mario Dumont avait alors qualifié Yvon Vallières de «gros bras» du gouvernement libéral-, on ne se surprendra pas que sa sortie se fasse dans la tourmente, à l'image de son mandat.

Contesté de toutes parts par les membres de l'opposition, qu'ils proviennent du Parti québécois, de l'ADQ ou même de Québec solidaire, Yvon Vallières argue que «le climat à l'Assemblée nationale, les échanges et les comportements, tant au micro qu'hors micro et, en particulier, lors de la période des questions et des réponses orales, ont atteint un niveau inacceptable». Or, Yvon Vallières n'est pas le premier président de l'Assemblée nationale à devoir braver la tempête, ou à susciter autant la colère de l'opposition, tant s'en faut.

Sous Maurice Duplessis, ce serait un euphémisme que de dire qu'Alexandre Taché et Maurice Tellier -qui portaient alors le titre d'orateur de l'Assemblée législative- ont fait coulé encre et salive dans les banquettes de l'opposition. À vrai dire, ils enrageaient les membres du Parti libéral, excédés qu'ils étaient de voir l'orateur de la Chambre basse rendre décision sur décision en faveur du gouvernement, sous l'oeil narquois de Maurice Duplessis, qui les narguait, se plaisant à dire une chose et son contraire, les libéraux perdant tous leurs moyens à cette occasion. Des 108 décisions rendues par Alexandre Taché, 87 sont contestées par l'opposition, contre 129 des 142 décisions de Maurice Tellier, des records inégalés dans les annales parlementaires québécoises.

Ce n'est pourtant pas sous Maurice Duplessis que le président de la Chambre basse s'est le plus illustré - pour les mauvaises raisons, du reste. C'est durant les quelques mois qu'a duré le mandat d'Antonio Barrette, à l'hiver 1960, que l'orateur de l'Assemblée législative s'est retrouvé sur la sellette plus que jamais, Maurice Tellier faisant les frais de cette situation pour le moins particulière, alors que les libéraux menés par Georges-Émile Lapalme lui livrent une guerre sans merci.

Du 11 janvier au 18 mars 1960, ses décisions sont systématiquement contestées par les libéraux. Des 29 décisions rendues par l'orateur, 27 sont portées aux voix par les membres de l'opposition qui font tout en leur pouvoir pour ralentir, voire bloquer les activités parlementaires, au grand dam du premier ministre Antonio Barrette. À de nombreuses occasions, les députés libéraux s'en prennent verbalement à Maurice Tellier, René Hamel se démarquant au passage.

À comparer leurs deux situations, il va sans dire qu'Yvon Vallières n'envierait pas le moins du monde la position de son prédécesseur, ainsi que toutes les tempêtes qu'il a tant bravées qu'affrontées. Or, à la différence de Maurice Tellier, il a choisi ne pas s'obstiner envers et contre tous, et persisté dans l'erreur ou la mauvaise foi. Il a préféré le calme de la retraite aux turbulences de la controverse qui menaçait de l'emporter. C'est là une décision plus que louable dans les circonstances et qui honore le député de Richmond.