Il était une fois l'école, la formation des maîtres, puis celle des étudiants. L'école navigue en eau trouble et tourmentée. Nécessaire, elle traverse les tempêtes. Elle en ressort fréquemment étiolée, rafistolée. Les enseignants sont les porteurs et les représentants d'une profession à la fois puissante et fragile.

Puissante. L'école est transportée par des personnes présentes et significatives dans la vie de vos enfants, elles les outillent pour le monde scolaire et le monde tout court. Elles transmettent des connaissances, mais aussi des valeurs, des savoir-faire, des savoir-être. Elles forment les citoyens de demain. Elles sont en relation directe avec ce qui se passe sous le chapeau des jeunes; des adultes en devenir: leur cerveau. Devenir enseignant est un choix, voire un privilège.

Fragile. Enviée ou méprisée, la profession fait l'objet d'attaques constantes, à petite ou grande échelle, à l'externe comme à l'interne. À l'interne? Oui, il arrive que certains professeurs se tirent dans le pied... et au passage dans les pattes de leurs collègues. Comment? Par paresse, en donnant le même cours plusieurs années consécutives ou, comme tout récemment, en créant un groupe Facebook pour échanger les réponses à un examen d'admission dans la profession!

Quel message envoie-t-on dans la collectivité? Aux étudiants?

D'abord, qu'on privilégie la voie de la facilité à celle de l'effort, que de se plaindre de la difficulté est plus aisé que de retrousser ses manches. Certains pourraient objecter qu'il s'agit d'une forme récente de groupe d'études.

Certes, c'est une pratique courante. On se réunit chez l'un, on échange des questions, des réponses, on se trompe, se corrige et on abuse parfois de la cafetière: la torréfaction des idées accompagne celle du café jusqu'à épuisement des guerriers. On fournit alors un effort. La réussite n'est que plus satisfaisante et des liens sont tissés avec nos collègues.

Facebook n'offre pas cette possibilité. C'est un accès à des réponses, le «bureau des plaintes», l'apothéose de la paresse et l'espace où certains ont choisi de décrier cette tricherie. Autant de symptômes du fond de l'air ambiant.

Ensuite, que les professeurs qui demanderont probablement aux étudiants assiduité, discipline, efforts n'ont pas été à la hauteur de leurs exigences. Que les professeurs, jusqu'à un certain point, refusent d'apprendre (!) ce qu'ils évaluent comme inutile: «On m'a demandé de définir idiome, darne, indigent... On demande des définitions de mots anodins, inutilisés dans le langage» (La Presse, 27 août).

Cet esprit utilitariste participe à la diminution de la culture générale, celle qui prône que tout ce qu'on ignore peut se retourner contre nous... Celle qui justifie le temps passé devant une classe, celle qui justifie ton travail, ton salaire, ta survie. Celle qui évite la bêtise, tout en permettant de lier les informations entre elles: de nourrir la curiosité tout en développant l'esprit analytique et critique. Celle qui peut conduire à l'élaboration d'idées, de pistes de solutions nouvelles et qui donne la confiance de prendre la parole avec les mots justes pour défendre son point de vue, sa vision. Celle qui forme des citoyens conscients, outillés. Doit-on sélectionner autrement - plus sévèrement - les aspirants enseignants?

Au-delà de l'examen, quand une partie de la nouvelle cohorte de porteurs démissionne, c'est toute la société qui en paie le prix, qui stagne, qui renonce, qui se dévalue. C'est une génération qui avale son tube de somnifères en trichant sur son propre destin en se disant que demain est un jour lointain.