Enfin! La réflexion sur la performance universitaire et sur les droits de scolarité reprend sa place dans le débat public, notamment grâce à la sortie du groupe mené par Lucien Bouchard.

Une hausse considérable des droits de scolarité figure au centre de leurs propositions. C'est ici toutefois que leur réflexion mérite d'être poussée un peu plus loin.

Des représentants des étudiants n'ont pas mis de temps à réagir à la proposition d'augmenter les droits de scolarité. Sans surprise, la plupart d'entre eux s'opposent à une hausse majeure des droits de scolarité. Au nom de l'accessibilité, comme à chaque fois. Sauf que, si l'argument a déjà porté, il passe de moins en moins facilement puisque les écarts entre les droits de scolarité se creusent entre le Québec et les provinces sans que les Canadiens ne fuient les universités.

Et il est de plus en plus difficile de nier que le financement des universités mérite d'être amélioré et que les droits de scolarité doivent être adaptés aux réalités sociales, économiques et universitaires actuelles.

Mais il ne faut pas voir l'opposition des étudiants comme celle d'un groupe d'enfants gâtés. Les étudiants ne le sont qu'un temps. Ils sont les contribuables de demain. À ce titre, ils auront certainement l'occasion de payer, particulièrement au Québec où ils seront plus taxés qu'ailleurs. Bref, l'«économie» qu'ils réalisent aujourd'hui vaut pas mal moins que leur fardeau (fiscal) de demain...

Le vrai enjeu: payer quand on le peut

Le modèle «payez pendant que vous étudiez» montre des limites évidentes. Augmenter les droits de scolarité en les faisant payer maintenant pousse forcément les étudiants à devoir travailler plus (et donc à moins se concentrer sur leurs études) ou à s'endetter davantage.

Pourquoi ne pas augmenter les drtois de scolarité, mais les faire payer après les études plutôt que pendant ? C'est alors qu'ils sont étudiants que les citoyens ont le pouvoir d'achat le moins grand. Leur donner un certain temps après leurs études pour payer l'augmentation pourrait s'avérer une meilleure solution. Une solution plus réaliste et équitable, du moins.

On peut même penser à des solutions hybrides. La formule «50-50» est à la mode ces jours-ci. On pourrait l'appliquer ici, une fois les frais doublés comparativement à leur niveau actuel: 50 % payables pendant les études, les 50% restants payables par la suite, sur un nombre d'années correspondant à la durée du programme d'étude. L'enjeu de l'accès aux études ne se poserait plus et toute augmentation des drois de scolarité (aujourd'hui et dans l'avenir) serait certainement moins difficile à absorber pour les étudiants, au bénéfice plus large de notre société et de nos universités.

Moduler les frais, oui, mais par sur la base du salaire anticipé

Former un dentiste coûte à l'université sans doute plus cher que former un anthropologue (équipements, salaire des professeurs, coût de la recherche dans le département, etc.). Sur cette base, il serait tout à fait justifié pour l'université de moduler ses frais, en fonction des coûts qu'elle assume pour dispenser sa formation et pour maintenir ses départements à la fine pointe de la recherche et de la connaissance.

Mais il faut être prudent lorsqu'on avance l'idée de moduler les droits de scolarité en fonction du salaire anticipé à la sortie du programme d'étude. Certes, le dentiste gagnera plus que l'anthropologue dans sa vie. Mais il paiera plus d'impôts aussi. Ce n'est pas à l'université de récolter la prime sur le salaire anticipé de ces étudiants du moment, mais à l'ensemble de la société sur une plus longue période de temps.

Évidemment, l'inaction passée a aggravé le problème du sous-financement des universités. Les besoins sont si importants que toute hausse de revenus, qu'elle passe par une augmentation des droits de scolarité ou par une contribution gouvernementale accrue, servira bien des besoins (salaires, immobilisations, dépenses en recherche, acquisitions de matériel, etc.) avant d'être visible pour les étudiants. Ce n'est pas évident donc de demander aux étudiants d'accepter de payer plus sans qu'ils ne puissent en percevoir quelque bénéfice.

D'autant plus que les universités dans leur ensemble n'ont jamais été reconnues comme de grands modèles de saine gestion.

Avant d'en donner plus, nous avons le droit, étudiants comme contribuables, d'exiger certaines conditions. Sur le plan de la gestion et de la performance des ressources d'abord. Sur le plan de la qualité de la recherche et du cadre d'étude offert également. Bref, le «pacte» doit être plus inclusif et les engagements un peu plus contraignants.