Le 20 mai dernier, l'Office de consultation publique de Montréal a sensiblement tempéré les ardeurs de la Société immobilière du Canada en ce qui a trait au développement du site de l'ancien centre de tri de Postes Canada, immédiatement à l'ouest du controversé projet Griffintown.

La Société fédérale prétend proposer un ensemble d'attraits pour les jeunes familles, le développement du quartier et la création de logements abordables. En réalité, le projet qu'elle propose ne respecte ni l'environnement bâti, ni le patrimoine exceptionnel du site et, de plus, il est loin d'offrir un environnement de qualité pour ses futurs résidants et leur voisinage.

Le Vieux-Port constitue le début d'un territoire dont les Montréalais ont pris conscience de la valeur patrimoniale et qui se prolonge jusqu'au lac Saint-Louis le long du canal de Lachine. C'est là qu'a débuté l'industrialisation de l'est du Canada au milieu du XIXe siècle.

Depuis la réouverture du canal, la partie ouest du site de Postes Canada a été utilisée par les Montréalais comme un parc. Ce site appartient à tous les Canadiens qui sont en droit de s'attendre à la continuation de cet usage.

Malheureusement et à l'instar des promoteurs privés de Griffintown, les plans de la Société fédérale font fi de l'importance historique de ce canal reléguée au dernier rang des préoccupations.

Obnubilés par la construction de 2000 nouveaux logements et des millions en taxes foncières qui les accompagneront, les édiles municipaux ouvrent la porte à un projet obéissant d'abord aux règles de la rentabilité propres aux promoteurs privés. Comme si les composantes environnementales et historiques exceptionnelles de ce site se résumaient à une restauration approximative et factice des bassins.

La Société fédérale passe habilement sous silence le fait que l'Office de consultation publique de Montréal a qualifié son projet de préliminaire et d'inachevé.

Les vues protégées de la montagne et du Centre-ville à partir du Canal seront obstruées par des murs de 8 étages le long de la piste cyclable.

Le seul espace libre borné d'arbres en pleine maturité le long du parc linéaire de Parcs Canada va disparaître pour faire place à un enchevêtrement d'immeubles dont la densité entraînera la ghettoïsation du secteur.

La Commission de la capitale nationale n'aurait jamais donné son aval à un tel projet sur les bords du canal Rideau à Ottawa. À Montréal, on s'en réjouit.

La beauté et la qualité d'une ville se mesurent par ses repères historiques, son architecture et son environnement. La qualité attire la qualité; il en va de même de la médiocrité.

En permettant la réalisation des Bassins du Nouveau Havre sans s'être assurés que la Société fédérale se conforme aux observations de leur Office de consultation publique, les élus démontrent que les plans d'aménagement et de zonage qu'ils adoptent ne valent pas le papier sur lequel ils sont écrits et qu'ils font bien peu de cas des résultats de la consultation publique.