Dans un éditorial publié sur Cyberpresse dimanche dernier, André Pratte a demandé aux lecteurs de raconter leurs souvenirs de la soirée du 20 juillet 1969, lorsque Neil Armstrong est devenu le premier homme à marcher sur la Lune. Voici quelques-uns des nombreux courriels reçus.

J'avais 10 ans à l'époque. Mon père avait loué, pour deux semaines, un chalet au bord du lac Magog.

Même si mon père m'avait promis que je verrais l'alunissage et Neil Armstrong marcher sur la Lune, j'avais des craintes. Les chalets n'avaient pas la télévision, sauf ceux des gens très riches. Quel drame si je ne voyais pas le premier homme marcher sur la Lune! Moi qui découpais tous les articles du Soleil portant sur la course à la Lune depuis deux ou trois ans.

 

La soeur de ma mère nous avait prêté un petit téléviseur 12 pouces, noir et blanc bien sûr. Le 20 juillet, c'était un peu comme Noël. Nous nous sommes couchés tôt et nos parents nous ont réveillés plus tard en soirée. La voix d'Henri Bergeron, en provenance de la cuisinette, m'a fait sauter du lit. Je ne devais pas manquer une seule minute.

L'attente... Pas question de sortir et de sauter sur la Lune en deux minutes. Il fallait s'assurer que tout était sécuritaire. Et à 10 ans, quelques minutes, c'est une éternité. Finalement, Armstrong sortit et descendit l'échelle. On distinguait la forme de son scaphandre plus qu'on ne le voyait. L'imagination faisait le reste. Puis on est sortis. Les voisins aussi. Tout le monde en parlait. Une nuit magique!

François Paquet

Des témoins privilégiés

J'avais 12 ans et mes parents m'ont laissé regarder la télé en ce soir d'été agréablement chaud. Dans le fin fond de Rosemont, nous étions rivés au petit écran noir et blanc. Je ne saurais évaluer le degré de crédulité ou d'incrédulité de mes parents par rapport au mien, en ce 20 juillet 1969. Ce dont je me souviens, c'est de la fascination. La fascination d'arriver à un point crucial de l'histoire de l'humanité et d'en être les témoins privilégiés.

Nous nous considérions comme chanceux de vivre ces instants et, en même temps, nous tenions pour acquis que ce moment béni nous était dû, comme si l'évolution de la race humaine nous avait désignés pour assister aux premières loges à un spectacle incroyable, confortablement assis sur notre sofa en cuirette, un petit verre de Coke à la main. La Lune n'était que ce tremplin, le reste de l'Univers nous attendait. Ce n'était qu'une question de temps, comme chantait Claude Léveillée.

Serge Alain

Québec

Science et poésie

J'étais au comptoir d'une cantine au Port-Saint-François, près de Nicolet. Les néons me brûlaient les yeux, je regardais la petite télé en noir et blanc qui montrait Armstrong posant le pied sur la Lune. J'avais conscience du moment historique que je vivais. J'allais avoir 20 ans cinq jours plus tard, peu de poésie, mais beaucoup de foi en la science. La poésie est venue plus tard.

André Lussier

Saint-Christophe d'Arthabaska,

Neil Armstrong contre Bill Stoneman

J'étais étudiant et je travaillais comme laveur de vaisselle dans un club de golf au nord de Montréal. La société québécoise était déjà multiethnique, même si on n'en parlait pas dans les journaux. Mon patron, un short order cook (lire «il faisait des hamburgers»), était écossais. Il y avait un assistant grec, un autre polonais. Le club avait aussi embauché un cuisinier français pour les réceptions. J'oubliais, le propriétaire et sa femme étaient juifs. Le 20 juillet 1969, nous avions une bonne journée de travail comme d'habitude. J'ai parlé à mes collègues de l'arrivée de l'homme sur la Lune. Je fus surpris de constater que personne ne semblait intéressé. Mon patron écossais avait d'autres chats à fouetter, notamment sa partie de poker quotidienne; son assistant polonais ne savait pas de quoi je parlais. Le cuisinier français, lui, était plus préoccupé par un autre événement... le duel entre l'as lanceur des Expos, Bill Stoneman, et son vis-à-vis des Mets de New York, Tom Seaver.

François Vaudrin

Un montage de Hollywood

Je vivais à Québec à ce moment-là. Mon coloc de l'époque et moi avions passé une bonne partie de la nuit à regarder ça avec nos blondes. Ma future belle-mère n'a jamais cru que l'homme avait débarqué sur la Lune. Elle croyait que tout ça était un montage de Hollywood.

Jacques Pagé

Dans les bras de Morphée

J'avais 5 ans. Comme tout le monde parlait de ce monsieur qui allait «atterrir» sur la Lune, je tenais beaucoup, beaucoup à voir cet événement. Mais à 5 ans, on ne veille pas tard et mes parents m'ont dit d'aller me coucher. Je les ai suppliés de me réveiller pour regarder la télévision avec eux quand la fusée allait atterrir. C'est le soleil qui m'a réveillée! J'étais tellement déçue... Donc, où donc étais-je le 20 juillet 1969 à 22h56? Dans mon lit, dans les bras de Morphée.

Louise Couture

Un grand pas pour un enfant

Je m'en souviens comme si c'était hier. Mon père avait décidé que nous allions faire un grand voyage dans le Canada durant la saison estivale, du Cap-de-la-Madeleine à Vancouver. J'avais presque 13 ans à l'époque et j'étais fasciné par les débuts de l'exploration spatiale, que je suivais avec un grand intérêt. Nous étions à Sudbury la veille du grand jour et j'avais déjà commencé à insister auprès de mon père pour presser le pas, de façon à arriver à temps à la maison pour assister à cet événement historique. Mon père, pour qui la lenteur en vacances était une règle cardinale, s'imaginait mal franchir plus de 650 km en une seule journée pour quelques minutes de télévision. Les négociations furent longues et ardues. Je me rappelle mes encouragements chaque fois que nous franchissions une étape décisive: Ottawa, Montréal, Berthier, Trois-Rivières et enfin à la maison juste à temps pour... s'arracher les yeux devant la télé à regarder une image en noir et blanc archimauvaise malgré les oreilles de lapin, pour ne pas dire une ombre furtive. Mais j'étais là!

Yves Lusignan

Gatineau

Du déjà vu!

Ce jour-là, du haut de mes presque 3 ans, j'étais avec ma famille en vacances à Wildwood. Lorsque mes parents nous ont dit ce qui se passait sur la Lune, notre réaction (ma soeur avait 7 ans et mon frère 5 ans) a simplement été de répondre: «Il n'y a rien là, on a déjà vu ça dans les livres de Tintin!»

Denis Marchildon