Nous allons manquer de pétrole. Le thème était encore en première page dans The Gazette du 10 janvier dernier. C'est l'évidence: le pétrole est une ressource non renouvelable, la consommation augmente, les réserves (connues) diminuent. C'est la catastrophe annoncée et imparable, le tsunami qui va engloutir notre civilisation de plastique. Heureusement, rien n'est plus faux que ce scénario.

L'âge de pierre

On attribue au cheik Zaki Yamani, ancien ministre saoudien du Pétrole, la phrase qui capture l'essentiel du changement qui se déroule devant nos yeux: «L'âge de pierre n'a pas pris fin par manque de pierres.» Ce n'est pas le pétrole qui va manquer. C'est notre style de vie et nos habitudes de consommation qui évoluent, motivés par notre souci collectif pour l'environnement et rendus possibles par les nouvelles technologies. Progressivement, comme nous avons remplacé la pierre par le bronze et le fer, nous nous détachons du pétrole. Les sources alternatives d'énergies, dont l'éolien, le solaire, la biomasse et le nucléaire, existent. Le processus de substitution est en marche.

 

La dépendance

La peur du manque vient de notre vulnérabilité face à une interruption brusque des approvisionnements. La mentalité d'assiégé propre aux États-Unis a fait de la dépendance à l'endroit du pétrole importé une question de sécurité nationale. Les Européens, tout aussi dépendants (pensez au gaz de Poutine), demeurent discrets et pragmatiques. Malgré l'urgence prétendue, sept ans après le 11 septembre, et au plus fort de la croissance spéculative, les États-Unis importent toujours une très large proportion de leur énergie du Moyen-Orient et du Venezuela. Cela nous dit à la fois que les solutions de remplacement sont difficiles à mettre en place et que les perspectives d'interruption des approvisionnements pour cause de turbulences politiques sont grandement exagérées. La voie à suivre pour le président Obama est donc toute tracée.

La véritable urgence ne vient pas du manque de pétrole, mais plutôt du réchauffement de la planète. L'environnement mobilise des forces formidables qui forcent nos sociétés à s'adapter. Vous recyclez, utilisez les transports en commun, baissez le chauffage, fuyez les gras trans, bref, comme presque tout le monde, la santé de la planète et de vos artères vous concerne. La culpabilité collective est bien enracinée. Il ne reste plus qu'à passer à l'action. C'est alors que frappe la grande crise de l'automne 2008.

Rahm Emanuel, le chef de cabinet du président Obama, a déclaré: «Il ne faut jamais gaspiller une crise importante...» C'est le choc majeur nécessaire pour réconcilier économie, écologie et profits. Le plan Obama de relance est plus vert qu'Al Gore et le tournant du Parti libéral réunis. On y trouve du financement pour les batteries des automobiles de demain, cinq millions d'emplois et 150 milliards de dollars pour les nouvelles énergies et la réduction de 80% des gaz à effet de serre pour 2050. À vous de jouer, M. Harper.

L'auteur est professeur, directeur du Département de science politique et chercheur associé au Centre d'études et recherches internationales de l'Université de Montréal (CÉRIUM.ca).