Deux jeunes ont voulu améliorer les transports montréalais malgré l’Autorité régionale de transport métropolitain

À quelques jours d’intervalle, deux énergumènes ont perturbé le petit monde du transport montréalais en apportant des solutions ingénieuses à des problèmes sur lesquels la compagnie traînait parfois depuis longtemps et avait mis quelques moyens et équipes au travail. Un entrepreneuriat malgré l’entreprise, en somme ?

Dashiell Friesen a créé en sept heures de travail et une cinquantaine de dollars une signalisation entre le métro Bonaventure et le REM à la gare Centrale1, après avoir constaté le trac de nombreux usagers devant le manque d’indications officielles. Alex Lai, lui, a réussi à programmer un logiciel permettant de recharger la carte OPUS en ligne directement avec son téléphone cellulaire2. Dans les deux cas, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) boude. Dans le second, elle doit justifier 1,13 million de dollars accordés à l’entreprise parisienne Spirtech pour développer son application.

La première interprétation, un peu fainéante, conduit à s’égosiller sur les lenteurs et rigidités des entreprises et services publics qui nous coûtent trois bras. J’y reviendrai : la réaction n’a certes pas été marquée du sceau de l’ouverture d’esprit. Les gamins nous ont mis deux fois la honte.

Tentons aussi d’y voir autre chose en se plaçant justement du côté des garnements !

D’abord, ils ont fait preuve, tels des enquêteurs de notre quotidien, d’un art de la problématisation grâce à des talents fins d’observation. L’entrepreneur met le doigt sur des problèmes avant d’apporter des solutions. Il les construit, les triture…

Ensuite, les deux ont agi en se préoccupant du bien commun au niveau local au mépris des droits de propriété de la compagnie parce que le problème nous concerne avant d’être l’affaire de l’entreprise.

Pratique nouvelle, le problème et la communauté importent plus que la chasse gardée. Et dans ce cas, le transport nous appartient !

Enfin, bizarrerie, ils entreprennent de l’extérieur en dehors de la stratégie de l’organisation et sans concertation. On connaissait les compagnies innovant pour le compte d’autres (tel le chirurgien cardiaque Ideo). L’innovation ouverte qui consiste à innover avec ses partenaires. L’innovation par la foule des consommateurs. Et les intrapreneurs qui régénèrent l’entreprise de l’intérieur. Tout cela prend toutefois une certaine volonté et un peu d’organisation.

Ici un brin anarchistes, les deux entreprennent, sans demander l’autorisation, de l’extérieur de l’organisation. L’émergence d’extra-preneurs en somme !?

Leurs caractéristiques : ces entrepreneurs pensent les problèmes, agissent pour des collectivités et se foutent de la propriété… restant dans les marges. Au-delà de ces cas, ils innovent souvent en bande organisée et pas toujours sur les marchés.

Alors la réaction frileuse, de repli sur soi, un peu dans le champ, est un peu pathétique ? Non, mais on y était presque en fait…

Plus largement, comment réagir à ces pratiques qui pourraient aussi constituer une réponse à toutes les transitions qui doivent nous préoccuper ? Le mur s’approche ! Et bien accueillir le désordre s’il est créateur de nouvelles possibilités pour le plus grand nombre et si les organisations ne bougent pas. Mettre de côté cette fichue propriété pour rehiérarchiser nos priorités.

Je ne connais pas ces deux jeunes hommes. J’aimerais qu’ils incarnent des pratiques en rupture. Des entrepreneurs du public. Concernés.

1. Lisez l’article de La Presse : « Signalisation vers le REM déficiente : un étudiant prend les choses en main » 2. Lisez l’article de La Presse : « Un étudiant dame le pion à l’ARTM » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion