Tous les gouvernements veulent éviter ce débat portant sur la révision de la rémunération des députés. Depuis des décennies, ce sujet a toujours soulevé des passions inattendues, parfois déraisonnables. Le récent dépôt d’un projet de loi en la matière illustre bien qu’on se dirige vers un autre drame inapproprié.

Afin d’éviter les envolées superfétatoires, il serait sage d’examiner quelques hypothèses menant à une politique générale plus stable, à l’abri des aléas partisans.

Quelle est l’urgence ? Pourquoi déposer un projet de loi à la date limite pour une adoption d’ici la mi-juin ? Y aurait-il des membres actuels de l’Assemblée nationale qui menacent de quitter le Parlement pour maltraitance salariale ? Si oui, laissez-les passer. Chaque parlementaire actuel savait en octobre dernier quelles seraient ses conditions de travail. Enlevons la pression d’un conflit d’intérêts en proposant que l’éventuelle loi qui serait adoptée par l’actuelle législature ne prendrait effet qu’après la prochaine élection.

Cette question d’intendance étant réglée, allons dans le vif du sujet : les conditions de travail. Outre les salaires, il y a les primes de toutes sortes et, surtout, les retraites.

Les salaires

Le salaire semble fixé par comparaison avec d’autres législatures canadiennes. C’est de bon ton, parce qu’il n’y a aucun autre métier, temporaire faut-il le préciser, comparable. Le problème n’est pas nécessairement sur le montant de 100 000 $, mais bien dans son augmentation. S’il est vrai que le salaire actuel n’a pas été modifié depuis 10 ans, cela est inacceptable. Aucune entreprise ne traite ainsi ses travailleurs.

Proposons une révision annuelle, basée sur un indice reconnu par tous. Fixons un ajustement qui préviendra les éternels débats relatifs au « timing » des augmentations (au fait, ce n’est jamais le bon moment). Point n’est besoin de prévoir une échelle salariale pour tenir compte du rendement, cela se règle à l’élection.

Certains pourraient proposer l’indice des prix à la consommation (IPC) comme indicateur. Cela serait une erreur, puisque l’ensemble des travailleurs et retraités ne reçoivent pas une augmentation annuelle basée sur l’IPC. Je suggère que le salaire des députés augmente au même rythme que, par exemple, le salaire minimum au Québec. Nos législateurs trouveraient ainsi avantage à faire croître le salaire minimum des Québécois.

Les primes

L’actuel débat a aussi fait connaître que 115 des 125 députés reçoivent des primes de toutes sortes. Outre celles attribuées au premier ministre et aux ministres, les électeurs découvrent qu’il existe une kyrielle de primes.

Ce système aurait avantage à être revu, à la hausse ou à la baisse, et mieux justifié. Par contre, les primes octroyées au premier ministre et aux ministres devraient être sérieusement revues.

Est-il normal qu’une majorité de dirigeants de la fonction publique et des sociétés d’État bénéficiant d’une plus grande stabilité d’emploi gagnent plus que le salaire des ministres responsables (parfois le double ou le triple) ? Prendre le temps d’y réfléchir m’apparaît nécessaire. Là encore, le débat pourrait être dépolitisé.

Les retraites des députés

L’éléphant dans la pièce est le régime de retraite des députés. Il est tout simplement devenu archaïque, hors des us et coutumes du monde actuel. Tout a été dit et écrit sur ce régime qui offre aux députés une pension à vie, indexée, pleinement gagnée en 25 ans, et ce, avec une contribution minimale du député.

Imaginons un jeune de 20 ans, qui serait élu et réélu au cours des six prochaines élections. Il gagnerait son plein salaire de député et pourrait prendre sa retraite à l’âge de 45 ans tout en gardant, à vie, son salaire sous forme de retraite pleinement indexée.

S’il y a une urgence, c’est celle-là. Le député devrait contribuer normalement à sa caisse de retraite, et n’avoir droit à sa pleine retraite qu’à 65 ans. L’indexation de ses primes devrait être égale à celle octroyée aux Québécois bénéficiant du Régime de rentes du Québec. Ce qui est bon pour le retraité du Québec le serait aussi pour le législateur québécois.

Prendre tout le temps pour bien réévaluer la rémunération globale des députés permettrait aussi de mieux analyser les primes de retour à la vie privée, qui n’est pas toujours facile.

Voilà quelques arguments qui militent en faveur d’une étude dans le calme et la non-partisanerie d’un projet de loi portant sur la rémunération globale des députés. Il est primordial de le faire, mais pas dans l’urgence. Après une telle étude, aucun député n’aura à longer de honte les corridors ni à se boucher le nez pour voter cette éventuelle loi.

P.-S. : Aucun candidat ne sait exactement dans quoi il s’embarque. On a beau imaginer les choses, c’est, avouons-le, une « job de fou ». Les plus beaux moments pour une personne élue surviennent dans les heures suivant son élection. Après, la pente est descendante, avec plus ou moins de vitesse.

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