Ni experte en biologie ni en environnement, je réfléchis aux enjeux de notre société et à plus petite échelle, à ceux de mon territoire d’adoption, le Saguenay–Lac-Saint-Jean. Fortement secouée par la question de la protection de différentes espèces dont le caribou forestier et montagnard, la région connaîtra, en juin prochain, non seulement la stratégie du gouvernement du Québec sur la protection de l’habitat du célèbre cervidé, mais aussi la réponse du ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault.

Rappelons que cette ultime étape s’inscrit dans la foulée du rapport déposé par la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards en août dernier auquel le gouvernement du Québec a réagi en s’engageant à davantage de proactivité.

Lorsque j’ai lu et relu les récents reportages de La Presse sur la question les 11 avril (« Des maires au service de l’entreprise privée ? »1) et 18 avril (« Des coupes forestières dans un projet d’aire protégée »2), je me suis dit : « les carottes sont cuites ». En clair, l’industrie forestière subira une transformation majeure dans un contexte où l’urgence d’agir en matière environnementale est flagrante, mais dans lequel l’enjeu est toujours l’objet d’un puissant clivage où les intérêts complètement divergents mettent au premier plan des données scientifiques à la fois convaincantes et contestées, des visions du développement et de l’exploitation des ressources naturelles inconciliables à première vue, des rappels importants des communautés autochtones et des comportements d’évitement de ministres québécois concernés.

Pour le lecteur métropolitain, il est probablement facile de choisir son camp alors que, pour celui d’une région forestière comme la mienne, la chose s’avère un peu plus complexe et nuancée.

Dans le Haut-du-Lac-Saint-Jean, où j’habite, tout le monde connaît quelqu’un qui travaille dans ce secteur d’activité, soit en forêt, soit en usine, soit en scierie, soit pour l’entreprise d’un fournisseur de cette industrie, soit en centre de recherche, soit en établissement d’enseignement.

L’activité économique générée contribue, en importante partie, à la vitalité de notre territoire. À seulement quelques semaines de l’échéance, peu de mots ont été consacrés à l’avenir de notre population régionale. Héritière d’un mode de vie qui gravite autour de la forêt et de l’agriculture, attachée profondément à sa forêt, ses lacs et ses rivières, notre population n’est pas réfractaire à la protection de son environnement. Dans cette perspective, il m’apparaît légitime que ces mêmes personnes s’inquiètent quant aux impacts à venir en cette matière, dont ceux inhérents aux emplois.

Ce qui me navre dans le traitement de la question de la protection des espèces et des territoires, c’est l’évacuation ou l’absence d’une vision globale qui tient compte d’une franche volonté d’une population d’y contribuer tout en prévoyant les impacts socioéconomiques réels pour une région. Dans cette perspective, pourquoi donc ne pas avoir ainsi posé la question dès le départ ? Comment réussir à maintenir pleinement actives socioéconomiquement et culturellement des communautés forestières tout en répondant aux impératifs environnementaux ?

1. Lisez l’enquête de Jean-Thomas Léveillé 2. Lisez l’article de Jean-Thomas Léveillé Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion