Le ministre Christian Dubé évoque la possibilité d’ajouter des « comités de surveillance locaux » à son projet de loi 15 sur la réforme du système de santé et de services sociaux1. S’agit-il d’une mesure de décentralisation ?

À la fin de l’année 2022, la Fédération québécoise des municipalités (FQM) a adopté en assemblée générale une position sur la décentralisation du système de santé et de services sociaux. La FQM fait le constat que le Québec a un des systèmes de santé les plus centralisés et les plus concentrés au monde.

Elle détermine que la gestion des CISSS et des CIUSSS est marquée par « l’incapacité du système à adapter les services de santé et sociaux aux besoins de nos communautés ».

C’est pourquoi elle recommande de miser sur la prévention en santé des populations appuyée sur une vision de développement social des collectivités, et de « refonder le réseau sur la base des centres locaux de services communautaires (CLSC) dont l’objectif originel était de répondre aux besoins biologiques, psychologiques et sociaux des populations, en termes de ressources, de services et d’accès, en concertation avec les élus et intervenants du milieu ».

La question du rôle et des pouvoirs des « comités de surveillance locaux » sera déterminante pour en faire autre chose qu’un écran de fumée à la centralisation sans précédent que propose l’actuel projet de loi 15.

Les enjeux de gouvernance avaient aussi été identifiés par le Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE), qui a publié un rapport sur la gestion de la première vague de COVID-19, où il est établi que la gouvernance du système figurait parmi les principales vulnérabilités au moment d’entrer dans la pandémie. Le rapport constate que la gouvernance est orientée sur les volumes de production, sur l’accès aux services hospitaliers et médicaux et sur le contrôle des coûts de ceux-ci, parfois au détriment des résultats de santé.

La centralisation de la gestion, le manque de marge de manœuvre pour les établissements locaux et le manque de transparence sont également des enjeux de gouvernance soulevés dans le rapport du CSBE, ce qui freine le développement d’une offre de services orientée sur la valeur, soit sur les résultats de santé et de bien-être qui comptent vraiment pour les personnes et les collectivités.

Le privé n’est pas la solution

Une gouvernance partagée et démocratique du système de santé et de services sociaux contribuerait à le recentrer sur les besoins plutôt qu’en fonction des contraintes institutionnelles ou des impératifs gestionnaires, voire politiques, dont la privatisation fait partie et qui correspond à un détournement massif de ressources publiques et de pouvoir d’achat des citoyennes et citoyens vers l’industrie des assurances et celle des soins de santé privés. Mais avec quels résultats ? Malgré la part disproportionnée que représentent les soins de santé dans le PIB aux États-Unis par rapport aux autres pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), l’espérance de vie y est la plus basse parmi tous ces pays, et la mortalité infantile parmi les plus hautes dans ce royaume des services de santé privés.

L’engagement de la CAQ en faveur des « mini-hôpitaux » privés ouvrira la voie à la privatisation de la santé en dépit de ses échecs avérés.

Pour sortir de la spirale de la privatisation, il faut d’abord considérer le système de santé et de services sociaux au Québec comme un bien commun et mettre en mouvement sa démocratisation en décentralisant vers les communautés locales avec une nouvelle gouvernance qui assure la participation décisionnelle des instances municipales, des producteurs de services, de la société civile, dont les organismes communautaires, ainsi que des communautés des Premières Nations qui le souhaitent.

1 Lisez l’article : « Décentralisation en santé : Christian Dubé songe à ajuster sa réforme » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion