Dans les derniers jours, nous avons appris des histoires bouleversantes d’enfants ayant été agressés sexuellement. Je fais allusion à cet enseignant du primaire1 et à cette éducatrice spécialisée2.

J’ai besoin de vous faire partager mes réflexions face aux propos de Roberto Colavecchio, protecteur de l’élève au centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSSPI), à la suite de ce que j’ai appris dans l’article de Marie-Eve Morasse3. Le manque de remise en question de ce commissaire, ainsi que sa certitude de l’efficacité de son système de traitement des plaintes me laissent totalement abasourdie.

« Ces cas n’ont pas été portés à mon attention... », soutient le protecteur de l’élève, qui ajoute qu’il n’a jamais même eu vent d’un seul cas de violences à caractère sexuel pendant toutes ses années dans cette fonction. Il affirme pourtant que le système de traitement des plaintes du CSSPI est « un des plus efficaces ».

Je vous répondrais, Monsieur Colavecchio, que, selon mon expertise, votre système est totalement irréaliste, désuet et complètement déconnecté de la réalité. Dans cet article, il est mentionné que si un enfant se fait agresser sexuellement par son enseignant, il devrait d’abord se plaindre à son enseignant directement, ensuite formuler une plainte à la direction de son école et au centre de services scolaire, avant d’avoir la chance de vous adresser sa plainte ! Cela démontre clairement votre manque de connaissance sur le sujet des agressions sexuelles et tout le courage que cela peut demander à une victime de dévoiler la situation et de faire de nouveau face à son agresseur. Je comprends à ce moment que vous disiez que ce genre de plainte ne soit pas arrivé sur votre bureau.

Pour qu’un enfant décide de dévoiler la violence qu’il subit, il doit tout d’abord constater que ce qu’il vit n’est pas normal. Il doit ensuite choisir un adulte de confiance bienveillant qui va le croire. Est-ce que toutes les conditions gagnantes sont mises en place par vos actions et vos décisions ? Permettez-moi d’en douter fortement.

Vous me direz que cet enfant sera accompagné par ses parents, mais imaginez un peu si ceux-ci ne le croient pas ou ne sont tout simplement pas capables de comprendre toutes les procédures administratives. Vous devez vraiment réaliser au plus vite que si vous n’avez jamais eu vent d’un seul cas de violence sexuelle en 12 ans, ce n’est certainement pas parce que votre système de traitement des plaintes est efficace.

Les propos d’Éric Morissette, professeur au département d’administration et fondements de l’éducation de l’Université de Montréal3, m’interpellent également lorsqu’il mentionne qu’il aimerait qu’on offre une formation plus poussée aux élèves et au corps professoral. Je suis parfaitement d’accord avec lui et j’aimerais l’informer que c’est exactement ce que je fais comme travail depuis plus de 12 ans ! Je travaille pour ESPACE Suroît, un organisme qui a pour mission la prévention de toutes les formes de violence faites aux enfants. Membre du Regroupement des organismes ESPACE du Québec, nous offrons le programme ESPACE dans les écoles primaires de notre région. Huit autres organismes font la même chose dans d’autres régions du Québec. Notre programme permet aux enfants de savoir qu’ils ont des droits, d’identifier les différentes formes de violence et les tactiques de manipulation des agresseurs et d’apprendre comment réagir et rester en sécurité. Malheureusement, encore trop d’enfants sont victimes de violence. Pourtant, les enfants devraient se sentir en sécurité à l’école. Il faut se mettre dans l’action maintenant pour mieux protéger tous les enfants du Québec.

1. Lisez l’article de Louis-Samuel Perron « Un enseignant coupable d’avoir agressé sexuellement cinq élèves » 2. Lisez l’article de Louis-Samuel Perron « Élève exploitée sexuellement : “Tous ont baissé les yeux” » 3. Lisez l’article de Marie-Eve Morasse « Élèves abusés : “on ne va pas se mettre la tête dans le sable” » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion