« Acte humanitaire », traduit du russe, veut dire déplacement forcé d’enfants ukrainiens à des fins d’assimilation et de rééducation identitaire et politique. « Acte humanitaire », traduit du russe, veut dire politique génocidaire.

Les parents d’Evgueniia, ayant vécu sous occupation russe à Kherson de mars à novembre 2022, ont été forcés de transférer leur fille dans une école sous contrôle des occupants afin qu’elle suive le programme scolaire russe. S’ils refusaient, la petite risquait de se faire envoyer dans un camp de rééducation. Si Evgueniia avait été orpheline, c’est ce qui se serait produit. L’histoire de ma jeune cousine de 14 ans n’est qu’un exemple des schémas de kidnapping systématiques conduits par la Russie contre les enfants ukrainiens.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 16 000 cas de déportation ont été officialisés et documentés par divers organismes, mais les estimations atteignent plutôt le million d’enfants déplacés.

Un crime de guerre systématique

Le 15 mars 2023, un rapport de la Commission des droits de l’homme de l’ONU venait confirmer ces faits : le transfert et la déportation d’enfants sur les territoires ukrainiens occupés ou sur le territoire russe violent le droit international et représentent un crime de guerre.

PHOTO SPUTNIK, FOURNIE PAR REUTERS

Maria Lvova-Belova, commissaire aux droits de l’enfant, s’entretient avec le président Vladimir Poutine, à la résidence d’État de Novo-Ogaryovo, en banlieue de Moscou, le 16 février.

Les accusés ? Vladimir Poutine, président russe, et Maria Lvova-Belova, commissaire russe aux droits de l’enfant – tous deux désormais sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. Celle-ci a été saisie dès décembre 2022 pour documenter ces schémas visant à « russifier », « dénazifier » et « désukrainiser » les mineurs ukrainiens, dont les âges varient de 4 mois à 17 ans.

Les juges de La Haye précisent que ces kidnappings continuent en ce moment même, et s’accélèrent alors que l’Ukraine se prépare à une contre-offensive pour libérer les territoires occupés par les Russes.

Comment procèdent les criminels de guerre ? Trois récits sont promus par la Russie afin de déporter systématiquement des enfants ukrainiens : l’« évacuation » d’orphelinats situés sur des territoires ukrainiens occupés par les forces russes, le transfert d’enfants dans des « camps de vacances », le déplacement à de supposées « fins médicales ».

Ce qui est particulièrement frappant, c’est que, contrairement à d’autres exactions commises par les Russes en Ukraine, les programmes de déplacement d’enfants ne sont ni niés ni dissimulés, au contraire. En mai 2022, Poutine passait un décret présidentiel accélérant les processus d’obtention de la citoyenneté russe pour les enfants déportés d’Ukraine. Lvova-Belova se vantait quant à elle, le 16 février dernier, de « [savoir] désormais ce que c’est d’être une mère d’un enfant du Donbass ».

Les enfants kidnappés sont mis en avant dans des vidéos de propagande, et montrés comme trophées lors de concerts célébrant l’invasion.

Des volontés d’extermination

Au-delà de leur déplacement, l’objectif est plus grand : rééduquer ces enfants ukrainiens, en forçant leur assimilation à la société russe. Dans les camps, on note une éducation pro-Russie systématique, ce qui inclut activités militaires, cursus scolaire, visites de sites mémoriaux russes, discours patriotique constant. Tous les ordres de gouvernement sont impliqués dans ces processus semblables à ceux conduits par les nazis en Pologne lors de la Seconde Guerre mondiale.

Ces politiques, pouvant facilement être qualifiées de génocidaires, révèlent le vrai visage de la guerre d’agression russe contre l’Ukraine. Il ne s’agit pas là de simple expansionnisme territorial, mais d’une éradication de l’identité de toute une nation.

Avec des objectifs d’extermination aussi clairs, la question de négociation ne se pose plus. Comment peut-on négocier avec un pays agresseur ? Comment faire des compromis avec un criminel de guerre ?

Bien que la Russie ne reconnaisse pas la compétence de la Cour pénale internationale, le message du mandat d’arrêt est fort. Le procureur général d’Ukraine, Andriy Kostin, indique que la décision de La Haye aura certainement un impact sur les ambitions de certains à discuter : « Les dirigeants réfléchiront à deux fois avant de lui serrer la main ou de s’asseoir avec Poutine à la table de négociation. »

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