En politique, l’image que l’on veut donner à un politicien doit renforcer le message qu’il veut transmettre et ne doit surtout jamais entrer en conflit avec le message. C’est ce qui risque de se produire pour le chef conservateur Erin O’Toole.

À grands frais, les conservateurs ont loué pour quelques mois la salle de bal d’un grand hôtel d’Ottawa pour la transformer en studio de télévision, permettant à M. O’Toole de faire campagne de façon virtuelle plusieurs jours chaque semaine.

Ça vous rappelle quelque chose ? Quand il était candidat à l’investiture démocrate et même pendant l’élection présidentielle américaine, Joe Biden a, pour l’essentiel, fait campagne depuis un studio construit dans le sous-sol de sa maison au Delaware.

On était en pleine première vague de la pandémie et il était clair que le plus vieux des candidats à la présidence n’allait pas risquer d’attraper une COVID-19 possiblement mortelle pour quelqu’un de son âge, en faisant campagne de façon traditionnelle.

Ce qui lui a valu les railleries bien senties de Donald Trump, qui l’accusait de se cacher dans son sous-sol, un signe évident de faiblesse qui allait le discréditer, croyait-il.

Mais M. Biden a gagné et, soudain, la « stratégie du sous-sol » devenait plus attrayante. Assez, en tout cas, pour qu’elle inspire les stratèges conservateurs. Le problème, c’est que cela ne renforce pas l’image de M. O’Toole, ça sème plutôt la confusion.

M. Biden voulait être le candidat de la prudence face à la COVID-19. Celui qui acceptait les consignes de distanciation sociale et du port du masque, contrairement à Donald Trump, dont la base était réfractaire à toute consigne sanitaire.

M. O’Toole se retrouve devant une base électorale qui est divisée sur les consignes sanitaires.

Des premiers ministres conservateurs, comme Doug Ford, en Ontario, et surtout, Jason Kenney, en Alberta, veulent, en priorité, rouvrir l’économie. Avec une part non-négligeable de leur base électorale qui croit que les mesures sanitaires sont une atteinte à leurs droits et libertés. Rester dans son studio ne cadre pas avec cette attitude.

On l’a vu dès le lancement de la campagne quand il a été incapable de répondre clairement à des questions sur l’obligation, décrétée par le gouvernement Trudeau, de vacciner les fonctionnaires fédéraux. Il se sera finalement déclaré opposé à la mesure tard en soirée.

Cela dit, sur les questions sanitaires, M. O’Toole n’est pas le seul à vivre avec ses contradictions : le chef libéral Justin Trudeau se voudrait le champion des mesures sanitaires et fut le premier à les enfreindre dès son premier arrêt dans sa circonscription de Papineau, quand plus aucune mesure de distanciation ne semblait tenir. Sauf qu’on ne peut comparer un évènement où le contrôle n’était pas adéquat à une véritable stratégie de campagne.

Les garderies

Une autre concession à sa base qui risque de faire mal à M. O’Toole est son engagement d’abandonner le programme national de garderies annoncé dans le dernier budget. Parce que s’il est une chose que la base conservatrice déteste, c’est un autre programme national géré par le gouvernement.

L’ennui de cet engagement, c’est que c’est un copié-collé de ce qu’avait fait Stephen Harper dès son élection. Le gouvernement précédent de Paul Martin avait – comme c’est le cas aujourd’hui – signé des ententes avec plusieurs provinces pour établir un programme national de garderies. M. Harper avait transformé ça en une simple mesure fiscale.

M. O’Toole propose la même chose, un crédit d’impôt, ce qui remet de l’argent dans les poches des contribuables, surtout les plus riches. Mais cela ne crée pas de nouvelles places en garderies. Or, partout au Canada, le principal problème n’est pas financier ; c’est l’absence de places.

Or, comme le disait un récent rapport de la Banque Scotia, en novembre dernier, le système actuel est un « échec classique du marché », une illustration du fait que les forces du marché ne peuvent tout régler et qu’au contraire, elles peuvent créer un cercle vicieux. Trop de familles canadiennes essaient de trouver une place en garderie, ce qui fait augmenter les prix et limiter les choix des parents.

Pas étonnant qu’hors-Québec, les frais de garde soient devenus la plus importante dépense des ménages canadiens. « Pour bien des familles, la garde des enfants est encore moins abordable que le logement et constitue un luxe inatteignable », dit l’étude de la Scotia.

Consultez l’étude de la Banque Scotia

Un programme public comme celui du Québec n’est certes pas parfait, mais il contient quand même un véritable incitatif à l’ajout de places en garderie. C’est le principal besoin des Canadiens, au Québec comme ailleurs. M. O’Toole préfère servir ce plat à la sauce Harper. Et, circonstance pas du tout atténuante, on connaît déjà le résultat.