Ce n’est pas tout le monde qui a hâte à l’été. Pour les Montréalais encore à la recherche d’un logement, le 1er juillet arrivera beaucoup trop vite cette année.

La métropole ne vit pas une crise du logement comme en 2002, mais elle s’en approche dans certains quartiers en demande. Cela ne semble toutefois pas trop préoccuper le gouvernement caquiste. Québec solidaire a donc raison de lui mettre de la pression, comme le parti le fait depuis quelques semaines. Reste que même si les objectifs des solidaires sont nobles, cela ne signifie que leurs moyens sont adéquats.

Selon les plus récentes données disponibles, en octobre dernier, le taux d’inoccupation à Montréal était de 1,9 %. C’est mieux que le taux de 0,7 % en 2002, au cœur de la crise. Reste que trouver un logement devient très difficile pour les familles (taux d’inoccupation de 0,8 %). Et même quand un logement est disponible, certains n’ont pas les moyens de le payer – 38 % des familles monoparentales et 32 % des personnes seules ont des « besoins impérieux » en matière de logement (par exemple quand elles consacrent plus de 30 % de leur revenu à se loger)*.

A priori, cela peut étonner. Après tout, la construction de logements locatifs a doublé depuis 2015. Mais en même temps que l’offre d’appartements neufs a augmenté, celle des appartements déjà sur le marché a diminué (conversion en condo, propriétaire occupant et offre sur Airbnb). Et en parallèle, la demande a augmenté à cause du faible taux de chômage, de la surchauffe immobilière qui incite les jeunes à rester sur le marché locatif, et enfin à cause des étudiants étrangers et des nouveaux arrivants qui s’installent dans l’île. L’année dernière, le solde migratoire pour la région de Montréal était de 52 000 personnes, rappelle Francis Cortellino, économiste à la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

Que faire ? Il faut des mesures à court terme pour dépanner les personnes sans logement, et des interventions à long terme pour rééquilibrer le marché.

Pour le court terme, il faut offrir une assistance minimale aux gens incapables de trouver un logement adéquat. À cet égard, Québec solidaire souhaite une bonification du Programme de supplément au loyer.

Pour le long terme, les solutions sont moins faciles à trouver.

Au municipal, Montréal a déjà annoncé qu’elle augmenterait les exigences pour les futures constructions. La mairesse Valérie Plante déposera bientôt son projet 20-20-20, qui imposera aux constructeurs un seuil minimal de logements abordables, familiaux et sociaux dans leurs futurs projets. Est-ce que cela fera augmenter le coût des logements et déréglera le marché, à un point tel qu’on aggravera le problème qu’on prétend régler ? La mairesse devrait présenter incessamment les résultats de son étude à ce sujet.

C’est au provincial qu’on attend des gestes concrets.

La ministre du Tourisme, Caroline Proulx, est au travail, avec son projet de règlement à venir pour encadrer Airbnb. Mais sa collègue des Affaires municipales, Andrée Laforest, est beaucoup plus discrète… Face à ce silence, Québec solidaire réclame deux mesures : plus de logements, et à un coût moindre. Plus précisément, le parti de gauche veut plus de logements sociaux et un registre des baux pour connaître l’historique du prix d’un loyer et « freiner l’explosion ».

On l’a écrit, trop de Montréalais peinent à payer leur loyer. Les solidaires ont raison de le rappeler et de réclamer une aide financière pour ces ménages. Par contre, ils sont moins convaincants quand ils veulent contrôler l’offre. Il est exagéré de prétendre que le coût des loyers a « explosé ». Et si on serre trop la vis aux petits propriétaires, on risque d’aggraver le problème qu’on prétend régler. L’accès à un logement est un droit, dit Québec solidaire. Or, pour le garantir, il faut des politiques publiques efficaces. Si construire des logements locatifs devient moins avantageux que les condos, alors les promoteurs passeront leur tour. Et si conserver ou rénover un logement devient trop coûteux, alors les propriétaires risquent de les laisser décrépir, de les reprendre pour les occuper ou encore de les convertir en condo. Dans les trois cas, les locataires seront perdants.

Les solidaires n’ont peut-être pas les bonnes solutions, mais au moins, ils ont le mérite de braquer les projecteurs sur le problème.

* Une personne a des « besoins impérieux en logement » si elle correspond à deux des trois critères suivants : logement qui manque de chambres pour les occupants, qui requiert des travaux majeurs ou qui coûte plus de 30 % de son revenu brut.

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