Un bureau de projet pour le boulevard Notre-Dame... Ils n'ont annoncé qu'un bureau de projet, le cinquième depuis 2001 ! Voilà encore des études qui ne serviront à rien, à part perpétuer la tradition des promesses brisées pour l'est de Montréal.

Voilà comment plusieurs citoyens ont sans doute accueilli vendredi dernier l'engagement de Montréal et de Québec à relancer le projet du boulevard Notre-Dame. On comprend leur désabusement. Ne serait-ce que pour des raisons de santé mentale, ils ont raison de baisser les attentes afin de ne pas se sentir trahis une fois de plus.

Et pourtant... Même si le projet vient à peine d'être relancé, on peut prudemment dire que les astres s'alignent de mieux en mieux pour le concrétiser.

Autant le premier ministre François Legault que la mairesse Valérie Plante reconnaissent qu'à la suite du REM, c'est au tour de l'Est de recevoir un grand projet. Et ils partagent une vision commune pour celui-là - un boulevard urbain avec un réseau de transports collectifs (tramway ou autre technologie), le tout en décontaminant certains terrains et en redonnant accès aux berges. Cette vision, M. Legault l'a déjà esquissée en 2013 dans un livre, Cap sur un Québec gagnant. Quant à Mme Plante, son parti se bat depuis deux décennies pour que le projet profite réellement aux citoyens du secteur. Car cela fait très longtemps qu'on lance de mauvaises idées.

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En 1972, le gouvernement Bourassa expropriait plus de 1200 citoyens de Hochelaga et du Centre-Sud afin de transformer le boulevard Notre-Dame en autoroute. L'autoroute fut abandonnée pour ne pas perturber la circulation durant les Jeux olympiques. On les a donc jetés à la rue pour rien et le secteur ne s'en est jamais remis. « C'est probablement un des endroits les plus déprimants de Montréal », déplorait Réjean Charbonneau, directeur de l'Atelier d'histoire d'Hochelaga-Maisonneuve, en 2010 à notre collègue Bruno Bisson.

Différentes versions du projet ont circulé dans les années 80 et 90 jusqu'à ce que le gouvernement Bouchard le relance en 2001. Il projette alors un segment de voie rapide sur le modèle de l'autoroute Ville-Marie. C'est imminent, assure-t-on. Le chantier devait même commencer avant celui de l'échangeur Turcot. À l'époque, le gouvernement prétend même que l'autoroute Notre-Dame réduirait les gaz à effet de serre, car les véhicules rouleront à une vitesse constante... Les résidants du coin s'opposent avec raison à cette cicatrice qui les couperait encore plus du fleuve.

En 2002, Québec propose un compromis : un boulevard en surface sur 80 % du trajet avec deux voies consacrées aux autobus. Il ne va nulle part.

En 2006, le gouvernement Charest lance la troisième mouture du projet. C'est une « autoroute temporaire » bancale sur laquelle les feux de circulation des rues transversales ne fonctionneraient qu'en dehors des périodes de pointe. Les délais s'accumulent, comme les coûts. Après une réécriture du projet et 29 millions en frais de consultation, le gouvernement se désiste en 2010.

Pourquoi serait-ce différent en 2018 ?

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Pourquoi alors être optimiste ? Pour la première fois, le projet se soucie vraiment d'aménagement durable.

D'abord, il réserve une place significative aux transports en commun. L'Autorité régionale de transport métropolitain a le mandat d'y proposer un « corridor de mobilité durable » qui va au-delà de simples voies réservées aux autobus. Parmi les solutions envisagées, il y a le tramway et peut-être même le REM. Ce corridor pourrait s'intégrer au futur service rapide par bus (SRB) sur Pie-IX, qui sera prolongé jusqu'au boulevard Notre-Dame. Cela commence à ressembler à un réseau intégré.

Ensuite, M. Legault et Mme Plante projettent de décontaminer les terrains industriels en friche dans l'Est. Et ils veulent redonner accès aux berges.

Le projet traversait plusieurs autres secteurs déjà en voie de revitalisation ou à tout le moins de transformation, comme celui de l'ancienne usine Molson et de la Maison de Radio-Canada. L'occasion est belle d'intégrer le tout dans un plan cohérent.

Enfin, le travail est aussi déjà avancé pour prolonger le tronçon Souligny afin de faciliter le transit des camions vers le port sans passer par le boulevard urbain.

Bien sûr, il ne s'agit que des débuts de la relance du projet. Tout dépendra du soin apporté aux détails et de la volonté pour avancer rapidement.

Mais le simple fait que le bureau de projet soit annoncé dans les 100 premiers jours du gouvernement Legault envoie un message fort. Il ne reste plus qu'à apprendre des échecs qui se succèdent depuis des décennies.

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