Selon François Legault, en matière d'émissions de gaz à effet de serre (GES), le Québec « nage en pleine noirceur ». Il exagère un tantinet. Ce n'est pas parce qu'il fermait les yeux que la réalité avait cessé d'exister.

Depuis son élection, le premier ministre répète le même argument. Parce que le dernier bilan des GES remonte à 2015, il serait impossible de savoir si la cible de 2020 est atteignable. Il faudrait donc attendre ces chiffres, puis chercher des solutions réalistes.

Le nouveau bilan des émissions de GES a enfin été dévoilé hier. On y apprend que les émissions ont stagné entre 2015 et 2016. Rien de surprenant. Si des mesures draconiennes avaient été prises durant le mandat libéral, on l'aurait su.

Depuis, le nombre de véhicules continue d'augmenter, le Fonds vert reste mal géré et la cimenterie McInnis, plus grand pollueur du Québec, a ouvert ses portes. Cela signifie que l'atteinte des cibles de 2020 paraît de plus en plus improbable. Et donc qu'une petite révolution s'impose pour atteindre celles de 2030.

M. Legault n'a pas tort sur un aspect. L'an 2020, c'est demain. Aucun plan ne réussirait à inverser cette tendance en quelques mois. Si le Québec rate sa cible de 2020, ce sera la faute des libéraux.

Le problème, c'est que le premier ministre semble prêt à poursuivre cette fuite en avant.

Certes, son discours a changé. Il concède désormais que « la survie de notre planète est en jeu » et qu'il faut « se retrousser les manches ».

Autre signal positif, sa ministre de l'Environnement, MarieChantal Chassé, promet de maintenir la cible de 2030 et de déposer rapidement un plan. Reste que les caquistes ne semblent pas reconnaître qu'une petite révolution s'impose.

Selon M. Legault, il faudrait « éviter les discours idéologiques voulant que tous les projets de développement soient néfastes ». C'est vrai, un certain équilibre doit être trouvé. Mais pour l'instant, à chaque arbitrage entre l'environnement et l'économie, le gagnant reste le même...

Il faut être « pragmatique », justifie M. Legault. Mauvaise nouvelle : la planète se fout du pragmatisme.

Quand le niveau des océans monte, ce n'est pas par rigidité idéologique. Quand les canicules sévissent, ce n'est pas parce que les rayons du soleil ont lu Marx. Il s'agit de phénomènes physiques et ils s'intensifient, peu importe nos opinions.

La crise est planétaire et il n'existe qu'une façon de la régler : que chaque État se donne des cibles et les atteigne. D'où notre demande très simple pour M. Legault : montrez vos chiffres ! Pour chaque grand projet polluant, détaillez les émissions de GES qui en découleront. Et prouvez comment, année après année, vous réduirez l'empreinte carbone du Québec.

Le Parti québécois réclame une loi antidéficit climatique qui forcerait le gouvernement à démontrer chaque année comment il réduit ses émissions de GES*. Hélas, M. Legault a tourné en ridicule cette excellente idée.

Au fond, on comprend pourquoi. Cela le forcerait à démontrer comment le troisième lien Lévis-Québec, l'usine d'urée et de méthanol à Bécancour et autres élargissements d'autoroutes n'empêchent pas d'atteindre les cibles. Cela pourrait le forcer à faire des choix difficiles.

Dans son discours inaugural, un mot revenait à chaque page : « audace ». En environnement, cela signifierait d'arrêter de prétendre qu'on peut freiner le réchauffement climatique sans que cela dérange jamais personne.

Les cibles d'émissions de GES

Pour 2020 Baisse de 20 % par rapport à 1990

Pour 2030 Baisse de 37,5 % par rapport à 1990

* Il faut deux ans pour produire l'inventaire complet d'une année. Toutefois, il serait possible d'utiliser l'année même les données préliminaires du Ministère. L'exercice n'est donc pas techniquement impossible.

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