C'est un mea culpa rassurant. Le premier ministre François Legault l'a reconnu : les changements climatiques « préoccupent » les Québécois et son gouvernement « devra en faire plus ».

En fait, les caquistes devront commencer par s'y intéresser tout court. Autant dans l'opposition que durant la campagne électorale, la Coalition avenir Québec n'avait pratiquement rien à dire sur l'environnement. Niet.

La contribution des caquistes était surtout de faire reculer la cause.

M. Legault s'accrochait encore au rêve pétrolier à Anticosti - et ce, même si la production atteindrait son pic vers 2050, lorsque nos émissions de gaz à effet de serre devront avoir chuté de 95 % !

Hier, le premier ministre a fait son entrée dans le XXIe siècle. Après avoir réitéré ses trois priorités (économie, éducation, santé), il a parlé d'une nouvelle préoccupation « sincère » pour l'environnement.

Il a confié ce ministère à MarieChantal Chassé, une entrepreneure formée en ingénierie, qui a fondé une société d'aéronautique. Elle n'a pas d'expérience en politique ou en environnement. Que peut-on en conclure ? Pas grand-chose. Laissons-lui la chance de faire ses preuves. D'ailleurs, elle a montré une rafraîchissante humilité dans ses premières interviews.

Un travail colossal attend Mme Chassé. Contrairement à ses collègues, elle ne peut se contenter de remplir les engagements électoraux de son parti. Sinon, ses journées finiront tôt...

La ministre devra élaborer la première véritable politique environnementale de la CAQ.

Si rien ne change, le Québec ratera ses cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES). Pour éviter cet échec, la ministre devra être hyper pugnace.

L'environnement n'est pas un dossier comme les autres. Il entre en tension constante avec les autres ministères, comme l'Agriculture, les Transports, les Ressources naturelles, les Affaires municipales, le Développement économique ou les Forêts. Au Conseil des ministres, Mme Chassé affrontera ainsi des collègues qui veulent construire de nouvelles autoroutes, accélérer l'étalement urbain, remblayer des milieux humides ou ne pas s'encombrer avec les déchets.

Des arbitrages constants devront être faits. Et on le sait, la balance penche souvent du même côté, celui de la mollesse. C'est ainsi qu'on n'en finit plus de reporter à demain ce qui aurait dû être fait hier.

Un exemple parmi d'autres : on parle de « trio économique » ou « d'équipe santé », mais jamais d'escouade environnementale. Le responsable de l'environnement est habituellement une personne solitaire, l'emmerdeur vertueux. Preuve que ce ne sera pas facile : le ministre des Transports François Bonnardel a annoncé hier qu'il penserait « avant toutes choses » aux automobilistes. Tant pis pour le transport en commun...

Mme Chassé ne pourra pas tout faire à elle seule. Elle sera aussi influente que le voudra l'arbitre en chef, le premier ministre.

M. Legault a promis d'agir « de façon pragmatique pour obtenir des résultats ». La formule laisse un peu songeur. Que signifie « pragmatisme » ? Est-ce d'agir seulement lorsque cela ne dérange personne ? Les écologistes passent pour des radicaux, mais plus les rapports d'experts sur le climat se succèdent, plus le radicalisme paraît raisonnable.

M. Legault, un comptable, s'est fait connaître en politique pour sa gestion axée sur les résultats. Comme ministre de la Santé et de l'Éducation, il chiffrait ses objectifs, puis notait minutieusement le progrès.

Cette approche devrait le guider pour l'environnement. Il pourrait se doter d'un mécanisme de suivi des émissions de GES, afin de rendre des comptes à l'Assemblée nationale, chaque année.

Mais avant de se rendre là, il faut d'abord reconnaître que le problème existe, et qu'il est sérieux. C'est ce que vient de faire le premier ministre Legault.

Voilà un progrès.

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