Il y a fort à parier que le prochain ministre de la Santé sera une femme, et ne sera pas médecin.

Vendredi, le Parti libéral et la Coalition avenir Québec ont présenté des candidates pressenties pour le poste : Gertrude Bourdon (ex-PDG du CHU de Québec) et Danielle McCann (ex-PDG de l'Agence de santé et de services sociaux de Montréal). Quant au Parti québécois, il a lui aussi souvent critiqué le règne des médecins au ministère de la Santé.

Qui devrait diriger cet énorme ministère de près de 40 milliards ?

Un médecin ? Un expert en santé qui ne vient pas de la filière médicale ? Ou au contraire un gestionnaire issu du privé ?

À tout le moins, on peut répondre que le candidat ou la candidate devrait bien connaître le réseau, ou avoir une capacité d'apprentissage tout à fait phénoménale. Mais ces questions passent à côté du vrai problème. Le prochain gouvernement n'héritera pas de n'importe quel ministère de la Santé. Il arrivera au pouvoir après la réforme Barrette. Ce qu'il faut se demander, c'est qui serait le plus en mesure de gérer ce mastodonte dans sa version toute-puissante et hyper centralisée.

Trois caractéristiques paraissent cruciales : ne pas être autocrate, ne pas être opaque et ne pas être prisonnier d'une vision médicalo-centriste.

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La réforme Barrette a réduit le nombre de centres de décision. Les agences régionales de la santé ont été abolies, et les centres de services de santé ont été fusionnés. Il y a environ cinq fois moins de conseils d'administration, et chaque membre, y compris le PDG, est nommé par le ministre lui-même. Cette simplification vient avec une lourdeur, car tout doit remonter jusqu'au ministre. Et elle risque aussi de tuer l'initiative des gestionnaires et de leurs équipes.

Pour le prochain ministre, il sera tentant de succomber à ce pouvoir. 

D'autant plus qu'à cause de la dynamique partisane de l'Assemblée nationale, si un seul patient souffre, on demande au ministre de s'expliquer... 

Le nouveau ministre pourrait renoncer à nommer chaque PDG et administrateur. Mais pour le reste, le Québec n'a pas le luxe de s'embarquer dans une énième réforme longue et complexe. Le virage devra se faire non pas dans les structures, mais plutôt dans la façon de diriger. En encourageant plus l'initiative que l'obéissance. Car pour l'instant, on n'en finit plus d'entendre les témoignages d'infirmières, gestionnaires et autres professionnels excédés et prisonniers de directives qu'ils ne comprennent ou n'endossent pas.

La deuxième qualité recherchée, c'est l'ouverture à la critique. Cela implique d'écouter les rapports du commissaire à la santé - un poste bêtement aboli par les libéraux, avant d'être recréé. Et cela exige aussi de diffuser les données sur le système de la santé. Un exemple de l'opacité actuelle : la CAQ a dû recourir à la Loi sur l'accès à l'information pour savoir combien de Québécois avaient un médecin de famille !

Enfin, la dernière qualité recherchée est tout aussi précieuse : le recul. Face à l'échéancier électoral, et face à l'approche médicale.

Le système actuel est axé sur les soins à l'hôpital. Il y a un danger que le prochain ministre se confine dans les oeillères de ce système. Qu'il s'emploie à rendre cette machine plus efficace pour obtenir des résultats chiffrables avant la prochaine campagne électorale.

Or, tout ne se règle pas en quatre ans. Bien sûr, contrairement aux achats d'équipement de haute technologie, la prévention n'excite pas les foules. Elle ne paye pas dans l'urne, mais elle coûte souvent bien moins cher.

Tout ne se règle pas non plus à l'hôpital. Pour trouver la solution aux urgences, il faut en sortir.

Trop de patients s'y rendent encore à cause d'une banale otite ou infection urinaire. Des professionnels non-médecins, comme des infirmières, pourraient les aider davantage. Le gouvernement libéral l'a fait avec les pharmaciens et, un peu, avec les superinfirmières. Mais le scepticisme des fédérations médicales freine encore ces initiatives. Le prochain ministre devra sortir de cette vision médicalo-centriste.

Qui faut-il ? Une personne ouverte, transparente et avec une vision d'ensemble ferait l'affaire. Et, si possible, juste assez gentille.

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