Les véhicules de demain devraient-ils être plus polluants que prévu ? C'est une question qui se posera lors d'une consultation que le fédéral devrait lancer cette semaine.

La réponse paraît évidente : non. Il y a des limites à multiplier les échecs.

Rappelons que : 

• L'accord de Paris ne suffirait pas, selon les climatologues, à contenir les dégâts du réchauffement climatique.

• Les engagements pris par les pays signataires ne suffisent pas à respecter cet accord.

• Avec les mesures annoncées, le Canada, comme d'autres pays, n'est pas en voie d'atteindre ses engagements pris à Paris.

En somme, le Canada ne réussit pas encore à atteindre une cible qui est insuffisante pour respecter un accord qui est lui-même insuffisant pour protéger la planète.

C'est dans ce contexte que commencera bientôt la révision des normes d'émission de gaz à effet de serre (GES) prévues pour les véhicules d'ici 2025.

Il y a quelques années, le premier ministre Harper et le président Obama s'étaient entendus pour exiger que les constructeurs vendent des véhicules plus écoénergétiques. Les émissions de leur parc devaient baisser de 3,5 % par année de 2017 à 2021, puis de 5 % de 2022 à 2025.

Comme prévu, Ottawa lancera une consultation pour évaluer le programme une année après son entrée en vigueur. Or, elle se fera sous l'ombre de Donald Trump.

Le président américain vient d'annoncer qu'il gèlera le programme à partir de 2021. Les constructeurs n'auraient alors plus de nouvelles restrictions.

Comme le souhaitait M. Trump, l'Agence de protection de l'environnement (EPA) a trouvé une approche plus « équilibrée », quelque part entre la science et la démagogie... Elle est devenue l'Agence de démantèlement des normes environnementales.

Le problème pour le Canada, c'est que le marché nord-américain de l'automobile est hyper intégré. Les normes américaines sont habituellement copiées au nord de la frontière. Mais cette fois, Ottawa ne devrait pas s'abaisser à suivre M. Trump et ses arguments ridicules.

Washington prétend vouloir donner un répit aux constructeurs et aux automobilistes.

Or, les constructeurs n'en souffrent pas tellement. Grâce à l'innovation technologique, ils ont réussi à réduire encore plus que prévu les émissions de leurs véhicules, tout en générant des profits*.

Et les consommateurs ne devraient pas non plus trop s'inquiéter. Il est vrai qu'à l'achat, les véhicules verts coûtent plus cher. Mais on calcule qu'après deux ans, l'économie d'essence éponge cette différence de prix. Et par la suite, ils deviennent moins chers. Ajoutons que s'ils disent payer trop cher, les automobilistes le cachent bien - les deux tiers des nouveaux véhicules achetés sont des camions légers, plus dispendieux à la pompe.

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Lors de la consultation canadienne, l'Association canadienne des constructeurs de véhicules devrait plaider un autre argument pour imiter le recul américain : l'intégration des marchés. Selon elle, développer deux réglementations parallèles serait absurde. Cette Association oublie toutefois que la réforme Trump n'est pas encore adoptée. Il reste un obstacle majeur : la contestation judiciaire d'une quinzaine d'États, dont la Californie. Son gouverneur Jerry Brown promet de se battre par « tous les moyens possibles ».

Si c'est l'économie qui préoccupe les libéraux, ils devraient attendre le dénouement de cette saga judiciaire avant de changer la réglementation. Et s'ils priorisent l'environnement, ils devraient exiger des normes écoénergétiques de plus en plus exigeantes.

Pour l'instant, la ministre de l'Environnement Catherine McKenna s'est montrée assez rassurante. Mais ce qui inquiète, c'est la multiplication des appels à moins protéger l'environnement.

Il y a bien sûr ceux des États-Unis, mais aussi ceux de l'opposition officielle à Ottawa. Lors d'une récente interview à CBC, le chef conservateur Andrew Scheer a refusé à cinq reprises de s'engager à respecter les cibles de l'accord de Paris.

Voilà l'absurde situation actuelle : alors que la science démontre que la menace est de plus en plus grande, des politiciens deviennent de plus en plus insouciants. Alors que les analyses démontrent que les pays n'en font pas assez, certains élus proposent d'en faire encore moins.

C'est une chose que les générations futures risquent de ne pas comprendre, et encore moins de pardonner.

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