C'est Kathleen Wynne qui le dit : jeudi, elle ne sera pas réélue première ministre de l'Ontario. La chef libérale concède déjà la défaite. La plus grande province canadienne sera donc gouvernée par le conservateur Doug Ford ou par la néo-démocrate Andrea Horwath.

Certes, les Ontariens ont plusieurs raisons de vouloir se débarrasser de Mme Wynne. Mais peu importe le vainqueur, le Québec perdra une précieuse alliée. La relation entre les gouvernements Couillard et Wynne était d'une rare proximité. Élus au printemps 2014, ces deux chefs cartésiens ont fait avancer plusieurs dossiers, comme l'hydroélectricité et le marché du carbone, en plus de faire front commun entre autres contre les ingérences du fédéral en santé.

Que souhaiter maintenant? Si on analyse l'élection strictement du point de vue des intérêts du Québec, Mme Horwath est l'option préférable. 

M. Ford poserait une menace pour la lutte contre les changements climatiques, les exportations d'Hydro-Québec et la compétitivité fiscale du Québec. Mais dans les trois cas, le risque est beaucoup moins grand qu'il n'y paraît.

L'année dernière, l'Ontario s'est joint au marché du carbone, auquel participent entre autres le Québec et la Californie. M. Ford veut le quitter. Ce ne serait toutefois pas si facile à faire. Il faut un préavis d'au moins une année pour abandonner ce marché. Or, d'ici là, le gouvernement Trudeau veut forcer chaque province à tarifer le carbone. M. Ford promet de se battre devant les tribunaux pour s'y soustraire, mais c'est loin d'être gagné.

Pour l'énergie, le chef conservateur est favorable au nucléaire. Il veut prolonger la vie de la centrale Pickering. Les néo-démocrates le refusent à cause des risques environnementaux et des explosions de coûts. Si l'Ontario produisait moins d'énergie, il serait plus ouverte à en importer du Québec. C'est donc à l'avantage du Québec. Mais là encore, il faut relativiser.

En 2016, Mme Wynne et M. Couillard ont signé une entente importante pour exporter l'électricité québécoise en Ontario. Il est vrai que malgré cette entente, le Québec a encore des surplus d'électricité à exporter, et le réseau de transport qui le relie à l'Ontario n'est pas utilisé à la moitié de sa capacité. En théorie, il y a donc encore de la place pour exporter plus. Mais même sous Mme Wynne, aucune entente additionnelle n'était dans le collimateur.

Pour la fiscalité, M. Ford est sans surprise le plus conservateur des candidats. Il veut réduire l'impôt provincial des sociétés (de 11,5 à 10,5%), des PME (de 3,5 à 3,2%) et des particuliers (baisse de 20 % de la tranche de revenu entre 43 000 et 86 000 $). Cela pourrait rendre notre voisin un petit peu plus attractif fiscalement, mais l'impact ne serait pas majeur.

Et dans ces trois dossiers, un gouvernement Ford ou Horwath pourrait revoir ses engagements.

M. Ford, qui n'a pas déposé de cadre financier, croit pouvoir économiser pas moins de 6 milliards par année en faisant des coupes dans la bureaucratie. Il n'a toutefois pas dit où... Il mise aussi sur les revenus de la croissance économique créée, pense-t-il, par les baisses d'impôts. Et il ne parle pas de la baisse des revenus fiscaux causée par la sortie du marché du carbone.

Mme Horwath a aussi des prévisions financières qui peuvent inquiéter les Ontariens - des déficits pour tout son mandat et des hausses d'impôts -, mais l'incidence sur le Québec ne serait pas la même que celle du plan de M. Ford.

Peu importe le choix des Ontariens, le prochain gouvernement trouvera une façon de travailler avec le Québec. La réalité fera son habituel rappel à l'ordre... En effet, les économies intégrées des deux provinces les incitent à défendre des positions assez voisines, du moins par rapport à celles des provinces de l'Ouest.

En 1998, Lucien Bouchard mettait en garde contre «le vent de droite» qui soufflait de l'Ontario, mais il avait fini par ne pas trop mal s'entendre avec le premier ministre conservateur Mike Harris. Si M. Ford est élu, l'histoire pourrait bien se répéter.

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4,6 TWh

• Volume des exportations d'Hydro-Québec en Ontario en 2017

• C'est 13% du total des exportations québécoises.

• C'est seulement le tiers de la capacité d'exportation vers l'Ontario avec le réseau actuel de distribution.

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