Il faut donner le mérite à Jean-François Lisée. Le chef péquiste a réorienté cette semaine le débat sur le nombre d'immigrants que le Québec accueille.

Depuis plusieurs années, des élus font une fixation sur ce nombre. Avec le message implicite qu'il serait trop grand.

Mais il y a un chiffre plus important, dont M. Lisée a parlé cette semaine : le nombre d'immigrants qui quittent le Québec. Car il ne sert à rien d'accueillir plus de gens s'ils finissent par quitter le Québec. Ce qui compte, c'est le chiffre net.

Cela force à parler autrement de l'immigration. Le discours politique est trop souvent défensif - on réagit à un problème, une menace. En parlant des départs, l'approche devient offensive : on cherche à convaincre les immigrants de rester au Québec.

Voilà la question qu'on aimerait poser aux partis : comment ferez-vous pour retenir les immigrants chez nous ?

M. Lisée propose d'agir en amont. Il veut changer la façon de choisir les immigrants. Il exigerait la connaissance du français pour chaque candidat sélectionné par le Québec (excluant ceux admis pour des raisons humanitaires).

Le chef péquiste n'a pas tort de dire que si un immigrant connaît le français à son arrivée, cela augmente ses chances de rester. Mais il surestime cet effet.

Parmi les immigrants arrivés entre 2004 et 2013, 24,5 % ont quitté le Québec*.

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TAUX DE DÉPART SELON LA LANGUE

(connaissance à l'arrivée)

20,9 % chez ceux qui connaissaient le français

29,9 % chez ceux qui ne connaissaient pas le français

26,5 % chez ceux qui ne connaissaient pas le français ni l'anglais

Le taux de départ varie selon d'autres facteurs, comme le pays d'origine et la scolarité. Fait troublant, plus un immigrant est scolarisé, plus il risque de quitter le Québec.

TAUX DE DÉPART SELON LA SCOLARITÉ À L'ARRIVÉE

29,8 % chez ceux qui détiennent 17 ans et plus de scolarité

20,5 % chez ceux qui détiennent 6 ans ou moins de scolarité

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La connaissance du français n'est donc pas le seul facteur. Il y a aussi la formation professionnelle détenue par l'immigrant et la reconnaissance de cette formation par l'employeur. Et il y a aussi un autre facteur plus intangible, mais tout aussi important : le sentiment d'appartenance. Et soyons honnête, on ne charmera pas les immigrants avec la méfiance.

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Bien sûr, dans son document dévoilé cette semaine, le Parti québécois ne mise pas que sur la langue. M. Lisée propose deux mesures intéressantes. D'abord, sélectionner plus d'étudiants étrangers et de travailleurs temporaires déjà au Québec, qui s'intégreront plus facilement à notre marché du travail. Et ensuite, accélérer la reconnaissance des diplômes pour ceux formés à l'étranger.

Or, il s'agit aussi du plan des libéraux. À la décharge du chef péquiste, le gouvernement Couillard n'a pas encore réussi à appliquer ce plan. Le Québec attire encore trop peu d'étudiants et de travailleurs étrangers. Et il tarde encore à reconnaître leurs diplômes. Une loi a été adoptée à cet égard l'année dernière, mais il est encore tôt pour en mesurer les effets.

Le plan de M. Lisée soulève toutefois une inquiétude : pourra-t-il attirer à la fois plus de candidats parlant français et plus de candidats avec une formation professionnelle recherchée ? Pourquoi alors ne pas accueillir les travailleurs les plus adaptés à nos besoins en main-d'oeuvre, peu importe leur langue, puis miser sur la francisation ?

On comprend le chef péquiste d'être sceptique face à ces cours de langue. Sous les libéraux, seule une minorité des candidats admissibles s'y inscrivait. Mais doit-on vraiment en conclure qu'il est impossible de faire mieux ?

* Selon le plus récent calcul, fait en 2015, en vérifiant si les néo-Québécois détenaient encore une carte valide d'assurance maladie.

La France derrière les Philippines

Autre preuve que la langue n'est pas le seul facteur, le taux de départ des immigrants de France (23,7 %) correspond presque à la moyenne (24,5 %). On note moins de départ d'immigrants qui viennent pourtant de pays où la langue et la culture sont très différentes, comme la Colombie (19,8 % de départ) et les Philippines (13,7 %).

Par contre, à la décharge des péquistes, il est vrai que les pires taux de rétention s'observent pour les pays où la maîtrise du français à l'arrivée est faible (Inde, Pakistan, Chine et Iran).

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