Pour célébrer le 50e anniversaire des cégeps, Québec devrait leur offrir un cadeau tout simple : de l'oxygène. Un peu plus d'autonomie pour adapter leurs programmes aux besoins du marché du travail. Le ministère de l'Éducation doit approuver chaque changement au nom du contrôle de la qualité. Mais il le fait si lentement qu'il fossilise les formations, ce qui ne garantit pas plus leur qualité.

La technique en pharmacie en constitue un bon exemple. Cette formation existe dans la majorité des provinces canadiennes, mais pas au Québec. Pourtant, les pharmaciens et leur ordre professionnel demandent depuis plusieurs années que les cégeps offrent ce programme, plus poussé que le diplôme de niveau secondaire d'assistant-technicien.

La population vieillit et se médicamente plus, ce qui alourdit le travail des pharmaciens. Ceux-ci voudraient déléguer une partie de leurs tâches à ces nouveaux techniciens - par exemple, vérifier l'historique médical du patient ou le contenu du flacon de pilules. Cela permettrait au pharmacien, payé plus cher de l'heure, de se consacrer au travail clinique.

Malheureusement, le dossier s'est perdu quelque part entre les ministères de l'Éducation et de la Santé. Ces deux mammouths se renvoient la balle depuis plusieurs années.

On comprend que Québec garde un certain contrôle sur les programmes spécialisés afin de s'assurer que la qualité reste la même à travers notre territoire. Mais la lourdeur du processus semble conçue pour fossiliser l'enseignement.

Les étapes bureaucratiques sont nombreuses et il y aurait même désormais moins de gens pour les gérer (le Ministère n'a pas été en mesure de confirmer qu'il ne resterait que cinq fonctionnaires pour superviser les formations spécialisées).

Ajuster un programme n'est pas simple non plus. Par exemple, il a fallu attendre sept ans pour revoir le programme de techniques informatiques. Sept ans sans s'adapter à un domaine qui progresse à une vitesse exponentielle...

Cette rigidité frappe particulièrement les régions, qui peinent à retenir leurs jeunes en adaptant leur formation aux besoins locaux du marché de l'emploi.

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Bien sûr, le cégep ne sert pas seulement à former de futurs employés du mois.

Il faut distinguer entre les formations spécialisée et générale. Les deux sont indépendantes, mais suivies en même temps. Cela signifie que même si sa formation spécialisée change, un cégépien continuera de suivre les quatre mêmes cours généraux (philosophie, littérature, éducation physique, langue seconde).

Pour la formation générale, il est normal que Québec garde le contrôle. La ministre Hélène David tient à protéger cette vocation humaniste des cégeps. Heureusement, car la vie ne sert pas qu'à faire rouler l'économie, du berceau à la tombe. Il faut une culture minimale pour habiter sa société au lieu d'y flotter comme un atome perdu.

C'est même un argument en faveur de programmes spécialisés plus flexibles. Plus ils seront désuets, plus les jeunes risquent de les bouder pour quitter l'école et gagner rapidement un salaire. Surtout dans le contexte actuel de pénurie de main-d'oeuvre.

Si une formation spécialisée donne accès à un meilleur emploi, plus de jeunes s'y inscriront et suivront ces cours de philo et de littérature. Et leur formation plus poussée qu'un diplôme secondaire les aidera à survivre aux mutations du marché du travail créées par les nouvelles technologies.

Mais pour cela, les cégeps auront besoin qu'on ose leur faire confiance.

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