Avec la commission d'enquête annoncée hier, le Québec sera obligé d'écouter les Premières Nations. C'est toujours ça de gagné. L'utilité de la commission sera d'abord de donner une visibilité aux maux des autochtones. Et donc, une pression politique pour les régler.

Mais ce n'est pas le rôle à proprement parler d'une commission d'enquête. Elle doit aller plus loin. Il s'agit d'un processus judiciaire pour comprendre un problème social et recommander des solutions.

Or, ce travail sera colossal à cause du mandat très large. Il concerne les « relations entre les autochtones et les services publics » - autant les services policiers et correctionnels, le système de justice, les services sociaux et les soins de santé que la protection de la jeunesse. Pour tout le Québec. Depuis 15 ans. Et le rapport doit être remis d'ici novembre 2018.

Le mandat est si large qu'on se demande si le gouvernement Couillard sait où chercher. Mais en même temps, il faut se réjouir que le premier ministre ait finalement accepté de définir le mandat avec les leaders autochtones.

Et c'est justement parce qu'on ne sait pas tout qu'on commande l'enquête. Et cette commission n'est pas seule ; elle sera « hautement complémentaire » à celle du fédéral sur les femmes autochtones disparues et assassinées.

Le vaste mandat choisi pour le Québec est à la fois pertinent et risqué. Pertinent, car il ne fait que refléter la réalité complexe des Premières Nations. Un bon exemple : les « cures géographiques », lorsque les policiers larguent une personne agitée et intoxiquée loin de chez elle, souvent au milieu de la nuit, afin qu'elle dégrise en retrouvant son chemin. Il est trop facile de ne blâmer que les policiers, qui n'interviennent qu'à la fin de l'histoire. La situation s'explique par une série d'échecs qui les précède. Peut-être manquait-il de logements ou de refuges ? De soutien à l'école pour les jeunes ? Le mandat permettra de remonter toutes les étapes de cette chaîne causale.

Mais le mandat est aussi risqué. On n'a qu'à imaginer un témoignage qui écorcherait la Direction de la protection de la jeunesse. Elle voudra alors se défendre. Assistera-t-on à une escalade ? À des contre-interrogatoires musclés qui ne feront que creuser la polarisation ?

Ce risque semble toutefois avoir été prévu ; la commission se déplacera sur le territoire et pourra entendre des témoignages à huis clos, afin d'éviter qu'ils ne virent au spectacle ou à une guerre d'avocats. Le commissaire Jacques Viens, un juge abitibien à la retraite, devra user de tout son tact.

Un autre défi sera de gérer les immenses attentes.

Le racisme systémique subi par les autochtones existe depuis de nombreuses décennies, et on souhaite maintenant que la commission en décortique chaque aspect, en départageant ce qui relève de Québec et du fédéral, avec une série de recommandations concrètes. Cela commence à faire beaucoup d'espoirs.

Le rapport sera déposé en novembre 2018. Soit juste après la prochaine élection provinciale... Les attentes et la pression devraient donc se tourner aussi vers Québec pour que les partis s'engagent à ne pas ignorer le futur rapport. L'histoire n'a pas besoin de se répéter.

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