Nathalie Normandeau croit-elle Nathalie Normandeau ? Si c'est le cas, il y a lieu de s'inquiéter.

Selon elle, les élus qui refusent d'être interviewés à sa nouvelle émission de radio brimeraient « un droit fondamental [...], la présomption d'innocence ». Or, une émission de radio n'est pas un procès criminel, et le choix d'un invité n'est pas un droit constitutionnel. À moins qu'elle ne perçoive son émission comme le tribunal autorisé de l'opinion publique.

Mme Normandeau semble à la fois se servir de la radio pour gagner ce procès de l'opinion et se servir du véritable procès criminel pour gagner des cotes d'écoute. Et encore pire, elle le fait en s'attaquant à deux institutions au coeur de notre démocratie : l'Assemblée nationale et le système de justice. Ce n'est pas digne d'une ex-vice-première ministre.

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En mars dernier, l'Unité permanente anticorruption (UPAC) a procédé à une arrestation aussi rare que grave. Le coup de filet visait entre autres l'ancienne numéro deux de l'État québécois. Sept chefs d'accusation ont été déposés contre elle, entre autres pour fraude et corruption.

De cela, elle reste présumée innocente. D'ailleurs, la preuve n'a pas encore été rendue publique et l'enquête préliminaire n'a même pas commencé. Cette étape est requise pour vérifier si la preuve est assez crédible pour justifier le procès.

Mme Normandeau répète qu'elle n'a pas commis de crime et qu'elle le démontrera si nécessaire en cour. Jusqu'ici, il n'y a aucun problème. Il est tout à fait légitime qu'un accusé proclame son innocence. Mais pour se défendre, l'ex-politicienne est allée plus loin. Elle a inventé une atteinte à ses droits fondamentaux de la part du premier ministre et a fait un procès d'intention contre l'UPAC.

Pour une personne dont le jugement est déjà remis en cause, c'est une stratégie aussi optimale que de tirer à la mitraillette dans sa chaloupe.

Commençons par la décision du gouvernement Couillard de ne pas participer à l'émission de Mme Normandeau. Il est normal d'éviter tout risque de s'immiscer, même indirectement, dans un procès en parlant avec une accusée. D'autant plus qu'il existe une multitude d'autres intervieweurs à qui parler, y compris à cette station. On peut aussi comprendre qu'un élu préfère ne pas être interviewé par une animatrice aussi teintée politiquement qu'un ex-collègue ou un adversaire.

L'ex-ministre refuse malgré tout de comprendre. Courroucée, elle a même découpé en ondes sa carte de membre du Parti libéral - un geste si spontané qu'une caméra se trouvait déjà par hasard dans le studio. Cela signifie qu'avant le « boycottage » de son émission, Mme Normandeau avait cru bon de rester membre d'un parti dont elle parlerait en ondes.

L'autre dérapage concerne l'UPAC. Selon Mme Normandeau, ces policiers seraient « en guerre » contre elle.

Elle mine insidieusement la crédibilité de cette escouade qui a la fragile tâche d'enquêter sur les élus. Et elle minimise de plus la gravité des accusations, comme s'il ne s'agissait que d'une engueulade.

Or, rappelons que dans ce dossier, la preuve a été jugée assez sérieuse pour qu'un juge autorise des perquisitions et qu'un procureur dépose par la suite des accusations. On insiste : Mme Normandeau est présumée innocente et on reste encore très loin d'avoir prouvé une intention criminelle de sa part. Mais parler de « guerre », c'est douter de la bonne foi de beaucoup de gens...

Avec ce genre de coups de gueule, Mme Normandeau a peut-être l'impression de jouer à l'équilibriste, mais elle ne fait que miner sa crédibilité.

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