Dans un monde idéal, le respect et l'amour fleuriraient sur nos routes. Mais ce monde-là n'existe pas, et il n'émergera pas non plus de lui-même. Pour créer une culture de cohabitation entre autos, vélos et piétons, il faut un nouveau pacte. Une réforme du Code de la sécurité routière.

Hélas, le nouveau ministre des Transports, Laurent Lessard, manifeste peu d'intérêt à cet égard. Ce ne serait pourtant pas si compliqué. Le travail est déjà avancé - un de ses prédécesseurs, Robert Poëti, avait créé un groupe de discussion qui a pondu un rapport en décembre 2014. Un projet de loi était même en préparation l'année dernière.

Le gouvernement libéral a adopté en juin les mesures les plus urgentes : distance minimale sécuritaire de dépassement (de 1 à 1,5 mètre selon la zone) et amende plus salée pour l'emportiérage. Mais pour renforcer la sécurité de tous, il faudra plus. Comme l'expliquait mardi notre collègue Alexandre Sirois, les villes doivent repenser leur aménagement, et les usagers de la route doivent civiliser leur comportement. Cela ne pourra toutefois pas se faire seulement grâce à la vertu et à la sensibilisation. Pour changer la culture, il faut changer le Code.

Cette loi reste inadaptée et inintelligible. Par exemple, elle exige que les cyclistes circulent à « l'extrême droite » de la chaussée. C'est dangereux, car on y trouve les rocailles et nids-de-poule. Et c'est parfois même impossible, comme à Montréal où il est interdit de rouler dans les voies réservées pour autobus. Les cyclistes estiment donc que le Code est une loi pour automobile qui ne les concerne pas. Qu'ils sont des touristes tolérés.

Pourtant, le vélo a sa place sur la route et devrait continuer de croître. Le nouveau Code doit encadrer cette cohabitation en établissant d'abord un principe de prudence, comme cela existe en France.

En effet, pour un piéton, un vélo est un petit tank, et pour un vélo, une voiture est un tank tout court. Cela ne signifie pas que le plus vulnérable a toujours raison. Seulement que piloter une carcasse d'acier exige une vigilance accrue.

Le Code doit ensuite s'adapter aux particularités de chaque mode de transport. Un vélo ne se déplace pas de la même façon qu'une auto ou un piéton. Les différences de vision, vitesse et freinage devraient se traduire par des normes adaptées pour les arrêts, feux de signalisation et zones de circulation.

De nouvelles permissions devraient être accordées, comme celle pour les cyclistes de tourner sur les feux piétons - après leur avoir cédé la priorité - afin d'éviter d'être coincé dans l'angle mort d'une voiture. Cela devrait s'accompagner de nouvelles interdictions, comme celle d'utiliser un cellulaire au guidon.

Le pari : si le Code est adapté aux cyclistes, ils n'auront plus d'excuse pour le violer.

Les policiers pourront alors s'attaquer aux véritables délinquants à pédales, ceux qui manquent d'instinct de survie et qui ne manifestent pas d'intérêt particulier pour l'existence des autres. Eux ne méritent aucune clémence.

Il est vrai que le groupe de discussion du ministre Poëti n'avait pas mené à des recommandations unanimes, mais ce n'est pas une excuse pour ne rien faire. Le ministre Lessard doit changer la loi. C'est à cela qu'elle sert. À organiser le vivre ensemble, surtout pour ceux qui ne savent pas vivre.

UNE LOI POUSSIÉREUSE

La dernière révision substantielle du Code de la sécurité routière remonte à 1979. À l'époque, malgré le petit boom cycliste aidé par la crise pétrolière, le vélo restait surtout l'affaire des sportifs et des enfants. Il est aujourd'hui redevenu un moyen de transport utilitaire. Depuis 2000, le nombre de Québécois qui pédalent pour se rendre au travail ou ailleurs a bondi de 240 %. En 2013, 2,5 % des déplacements sur l'île de Montréal se faisaient à vélo.

Source : L'état du vélo au Québec, 2015

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